
À la demande des autorités mozambicaines, le Conseil européen a décidé, le 18 novembre 2024, de financer l’armée rwandaise à hauteur de 20 millions d’euros supplémentaires. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP) et vise à financer la lutte contre l’insurrection djihadiste dans le Cabo Delgado. Cette subvention prolonge un soutien antérieur accordé en décembre 2022. À l’époque, la décision avait été accueillie avec étonnement en République démocratique du Congo (RD Congo), l’ONU ayant déjà documenté la manière dont les Forces rwandaises de défense (FRD) appuyaient la rébellion du M23 dans l’est de la RD Congo.
Depuis, le soutien rwandais au M23 a été démontré encore davantage, le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU, en juin 2024, ayant largement documenté les opérations des FRD avec le M23 dans l’est de la RD Congo. Lorsque la nouvelle du renouvellement potentiel de l’enveloppe de 20 millions d’euros a été rendue publique, elle a donc été accueillie avec colère en RD Congo, principalement contre l’Union européenne.
Cette question fait également rage au sein de l’UE : dans un communiqué de presse, la Belgique a annoncé s’être abstenue lors du vote au Conseil de l’UE. Le ministère belge des Affaires étrangères a évoqué la présence des FRD sur le territoire congolais et le soutien du Rwanda au M23.
La question qui se pose est donc la suivante : pourquoi l’UE a-t-elle accordé 20 millions d’euros à l’armée rwandaise alors que Kigali viole le droit international dans l’est de la RD Congo ? Et quelles conséquences cette décision entraîne-t-elle pour la dynamique régionale et pour l’UE ?
Discussions intenses à l’UE
La « question des 20 millions » a été extrêmement débattue à Bruxelles pendant une grande partie de l’année. En juin, l’agence américaine Bloomberg a rapporté que l’UE accorderait 40 millions d’euros aux troupes rwandaises au Mozambique dans le cadre de la FEP, soit le double du montant alloué en 2022. Cela ne s’est pas concrétisé : en juillet, on a appris qu’aucun accord n’avait été trouvé et que la discussion - qui faisait rage - était reportée.
La pression pour conclure l’accord et budgéter les 20 millions d’euros venait de deux côtés. Tout d’abord, trois États membres y étaient favorables : la France, le Portugal et l’Italie. L’engagement de la diplomatie françaiseaux côtés de TotalEnergies a été largement démontré. TotalEnergies a investi 20 milliards de dollars dans son projet de production et d’exportation de gaz naturel au Mozambique, mais, depuis 2021, jusqu’à aujourd’hui, ses opérations sont paralysées du fait de l’insécurité dans le Cabo Delgado. TotalEnergies se félicite donc explicitement du soutien de l’UE, tout comme le Rwanda, dont les troupes sont toujours présentes au Mozambique et assurent le financement de leurs propres opérations. Il a été rapporté, par exemple, qu’en juin 2024 Kigali payait 10 millions de dollars par mois pour ses troupes dans le pays. Mais il a été également démontré que les entreprises rwandaises sont florissantes dans la région. De plus, depuis le début du déploiement rwandais au Mozambique, de nombreuses rumeurs ont circulé sur le soutien financier et logistique de TotalEnergies à ces troupes.
Deuxièmement, la Commission européenne – et en particulier son Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – voulait faire passer le dossier : bien que le SEAE soit politiquement divisé en interne, son administration faisait pression pour décaisser les 20 millions d’euros pendant cette année administrative et ainsi ne pas les perdre. Ces acteurs de l’UE estiment que les forces rwandaises ont fait du bon travail contre l’insurrection, constat largement débattu dans les milieux universitaires et dans les médias. Les partisans de l’enveloppe avancent également le départ, en juillet dernier, de la mission militaire de la Communauté de développement d’Afrique australe au Mozambique (Samim), y voyant un vide sécuritaire à combler.
Les voix hostiles
D’autres États membres de l’UE tels que la Suède, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas étaient opposés à ce financement. La principale objection portait sur ce qui a été qualifié par euphémisme de « connexion entre les deux théâtres » : Cabo Delgado, au Mozambique, et l’est de la RD Congo, en soutien au M23. Cela a soulevé une série de préoccupations fondamentales relatives aux mouvements des troupes rwandaises entre les deux théâtres et à l’utilisation potentielle de l’argent de l’UE dans l’est de la RD Congo.
Finalement, un accord a été trouvé au sein de l’organe compétent : le groupe de travail Afrique du Conseil européen, qui est responsable de la gestion de la politique extérieure de l’UE à l’égard de l’Afrique subsaharienne. Huit États membres – menés par la Belgique, la plus hostile au projet de subvention – se sont ralliés à cet accord.
Des sources anonymes à l’UE ont précisé que trois conditions avaient été posées : premièrement, les fonds ne peuvent être dépensés que pour des équipements et des transports non létaux ; deuxièmement, l’accord doit respecter le processus de paix de Luanda, qui prévoit un retrait des troupes rwandaises de l’est de la RD Congo ; et troisièmement, aucun mouvement de troupes ne doit être opéré entre les deux théâtres, la RD Congo et le Mozambique.
Le 1er novembre, le Conseil des ministres de l’UE a approuvé le financement. Le communiqué de presse du Conseil ne fait pas état de conditions mais précise que l’enveloppe est destinée à de l’équipement non létal (« équipement personnel et couverture des coûts liés au pont aérien stratégique »). Le communiqué du ministère belge des Affaires étrangères évoque, lui, les deux autres conditions, précisant que le soutien ne peut être « détourné à d’autres fins ou utilisé pour d’autres zones opérationnelles », et que « le non-respect du droit international et des droits de l’Homme peut entraîner la suspension ou la résiliation de ce soutien ».
Conditionnalités de l’accord : un vœu pieux ?
Ces restrictions constituent apparemment un affaiblissement de facto de l’accord. L’équipement personnel et les frais de voyage ne représentent pas des coûts importants, et la restriction sur la destination des fonds signifie que ni l’équipement militaire ni les salaires ne pourront être payés par l’enveloppe européenne. Mais, d’autre part, il semble peu probable que les conditionnalités évoquées ci-dessus aient un effet réel. Un retrait du Rwanda de l’est de la RD Congo, pour un financement de 20 millions d’euros, semble peu probable.
On ne sait pas non plus comment la « conditionnalité de la connexion théâtrale » pourra être contrôlée ou appliquée. À cet égard, rappelons que le groupe d’experts des Nations unies sur la RD Congo a déjà signalé, dans son rapport de juin 2024, qu’il existait effectivement un lien entre les deux fronts. Il cite trois commandants de haut niveau impliqués dans les deux opérations de RD Congo et du Mozambique1 (le général de division Nkubito, qui a commandé les forces rwandaises dans le Cabo Delgado avant d’être nommé à la tête de la 3e division engagée dans les opérations à Petit Nord en RD Congo ; son successeur au Mozambique, le général de division Alexis Kagame, actuel chef d’état-major de la force de réserve, qui a servi à Kibumba, en RD Congo, en mai 2022 ; et le général de brigade Pascal Muhizi, qui a été impliqué à Petit Nord et dans le Cabo Delgado). En outre, l’actuel commandant de la force opérationnelle conjointe de la mission de la Force de sécurité du Rwanda, Emmy Ruvusha, a été mentionné dans le rapport publié par l’ONU l’année précédente comme commandant des opérations des FRD dans l’est de la RD Congo.
Encore plus épineux, les acteurs de l’UE interrogés s’accordent à dire qu’il n’y a pas de traçabilité des fonds une fois ces derniers reçus par le ministère rwandais des Finances. Les conditionnalités posées semblent donc avoir surtout eu pour but de forcer l’acceptation de l’accord de la part des pays les plus réticents.
Une traçabilité budgétaire impossible
Dans quelle mesure ce débat sur les détails de l’aide est-il important ? Le financement militaire d’un gouvernement dont l’armée viole le droit international reste pour le moins douteux. De plus, le gouvernement rwandais finance actuellement sur ses deniers ses forces au Mozambique, ce qui montre bien que le soutien de l’UE n’est pas essentiel pour les opérations. Des questions supplémentaires se posent sur l’utilisation réelle de ce soutien, s’il se matérialise : l’enveloppe du FEP constituera un soutien budgétaire de facto, difficile à tracer et fongible, représentant des ressources financières supplémentaires pour l’armée rwandaise susceptibles d’être utilisées dans l’est de la RD Congo.
En RD Congo, cet accord de financement de l’armée rwandaise a été accueilli par beaucoup de colère, s’inscrivant dans une histoire récente d’appui européen à l’action militaire de Kigali. La première enveloppe européenne de 20 millions d’euros en faveur des FRD au Mozambique, en décembre 2022, avait déjà grandement contrarié la classe politique congolaise. Selon plusieurs sources diplomatiques, le président, Félix Tshisekedi, lors d’une réunion avec des diplomates européens, se serait exclamé, incrédule : « Vous ne comprenez pas que vous nous poussez ainsi vers la Russie ? »
Moscou déployait alors des efforts considérables pour séduire le gouvernement Tshisekedi. L’année précédente, le gouvernement russe avait ainsi fait don d’un important lot d’armes. À partir de 2023, les pressions exercées par l’Occident ont réduit fortement les interactions avec la Russie.
À la recherche d’un équilibre précaire
L’UE a également tenté d’équilibrer la première enveloppe de 20 millions d’euros accordée au Rwanda en annonçant une enveloppe du même montant à l’armée congolaise en juillet 2023. Mais dans la mémoire collective congolaise, cet effort n’a pas laissé de trace. On se souvient surtout de la décision de l’UE de financer le Rwanda.
D’autres événements similaires se sont produits par la suite. En février 2024, on a appris que l’UE avait signé un protocole d’accord sur les minerais stratégiques avec le Rwanda afin de promouvoir une chaîne de valeur minière durable et résiliente dans le pays. Cela a suscité de nombreuses critiques, y compris au sein de l’administration de l’UE : il est de notoriété publique que les ressources minières sont quasiment absentes du sous-sol rwandais et que la plupart des minerais commercialisés par ce pays proviennent de la contrebande depuis la RD Congo.
Lors d’une conférence de presse organisée à l’époque, le président Tshisekedi avait déclaré que « tout le monde [savait] que le Rwanda n’[avait] même pas un gramme de ces minéraux dits “critiques” dans son sous-sol ». Le protocole d’entente conclu par l’UE avait été dénoncé comme un accord sur les minerais de sang, ce qui avait, de nouveau, suscité la colère en RD Congo. Il en va différemment du protocole d’entente similaire signé par l’UE avec la RD Congo sur les matières premières critiques en octobre 2023, s’agissant des ressources propres du pays.
Une introuvable neutralité ?
L’UE recourt à une logique « des deux parties » : elle semble considérer que lorsque deux parties sont en désaccord, étendre son soutien de l’une à l’autre est un moyen d’afficher sa neutralité. Mais dans une situation d’agression par une nation étrangère, ce procédé est perçu comme une prime à l’agresseur, en particulier à Kinshasa. Même dans une version édulcorée, un nouveau financement de 20 millions d’euros de l’UE au Rwanda est généralement perçu en RD Congo comme un financement du pays envahisseur.
Cette subvention sape directement la légitimité et la crédibilité de l’UE dans la région, nourrissant le reproche d’un double standard occidental sur les invasions étrangères : alors que la Russie est condamnée et sanctionnée pour son invasion de l’Ukraine, le Rwanda ne subit que des représailles minimales, quand il n’est pas récompensé. Cette politique renforce aussi les Congolais dans leur conviction que l’Occident ne cherche qu’à les exploiter, alimentant les stéréotypes coloniaux sur la convoitise occidentale à l’égard des ressources de leur pays.
Lors de la conférence de presse qui a suivi l’accord UE-Rwanda sur les minéraux critiques, le président Tshisekedi a déclaré : « C’est comme si l’Union européenne nous faisait la guerre par procuration. » Ce discours reflète une opinion largement répandue dans son pays selon laquelle l’UE et l’Occident en général ne sont là que pour piller les richesses du Congo et qu’ils utilisent le Rwanda à cette fin. Comme l’a résumé un responsable de la sécurité interviewé en octobre 2024 à Kinshasa :
Les minerais sont exploités à l’Est : ils sont vendus à de grandes multinationales qui préfèrent passer par un pays tiers comme le Rwanda. La guerre à l’Est leur permet de le faire, et c’est pourquoi l’UE a signé cet accord crucial sur les minerais. Nous l’avons dénoncé mais il a été signé. Pour nous, au gouvernement, cette hypocrisie atteint ses limites.
« Nous ne croyons plus en l’Occident », a dit un autre fonctionnaire. Un autre a renchéri en ces termes : « Nous ne prendrons plus de contre-mesures concrètes, mais les relations ne sont plus ce qu’elles étaient : nous n’en avons plus besoin ; nous pouvons vivre sans elles. »
Ces entretiens font aussi écho à l’évolution du contexte géopolitique qui a vu d’autres partenaires, la Turquie, la Chine ou les Émirats arabes unis, exercer des influences croissantes dans la région. Ce contexte général traduit une détérioration des relations entre l’UE et le gouvernement Tshisekedi depuis décembre 2022, date du premier financement de 20 millions d’euros au Rwanda. L’UE a été de facto empêchée de mener une mission d’observation lors des élections de décembre 2023, et le nouvel ambassadeur de l’UE a dû attendre neuf mois son accréditation du gouvernement congolais. Le renouvellement du financement pour la mission rwandaise du Mozambique a contribué à cette dynamique.
Lorsque le nouvel envoyé spécial de l’UE s’est rendu à Kinshasa pour une visite de trois jours, début octobre 2024, il n’a pas été reçu par le président Tshisekedi. Selon des sources à la présidence, il s’agissait de « questions d’agenda », mais, bien qu’il n’y ait pas eu de communication officielle sur le sujet, cette posture a été largement interprétée comme une conséquence des décisions de l’UE en faveur du Rwanda : l’accord sur les minéraux critiques et la nouvelle subvention de 20 millions d’euros. Peu avant cette visite, Tshisekedi avait été à l’origine d’un petit incident diplomatique lors du sommet de la Francophonie à Paris en quittant prématurément la conférence pour sanctionner l’absence de mention de la crise congolaise dans le discours inaugural du président français, Emmanuel Macron.
L’efficacité diplomatique du Rwanda
Pourquoi l’UE agit-elle ainsi ? Tout d’abord, l’UE se montre plus souple à l’égard du Rwanda aujourd’hui qu’elle ne l’était lors du conflit du M23 en 2012. À cette époque, en réaction au soutien du Rwanda au M23, l’UE – qui était alors le principal bailleur de fonds de Kigali – et plusieurs États membres (l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, le Royaume-Uni et la Belgique) avaient baissé le volume de leur aide. Alors que ce même soutien rwandais est aujourd’hui encore mieux documenté, les donateurs n’ont pas manifesté l’intention de diminuer leur appui financier au pays.
Deuxièmement, il convient de souligner l’efficacité des affaires étrangères rwandaises dans la promotion de leur récit à l’étranger, y compris auprès de l’UE. La diplomatie rwandaise est généralement considérée comme beaucoup plus compétente que la diplomatie congolaise. Alors que les diplomates européens ne cachent pas leur frustration ou leur déception quant au niveau d’organisation des affaires étrangères congolaises, il en va différemment pour le Rwanda. Comme l’a résumé un diplomate de l’UE, des sections influentes de la machinerie européenne sont « particulièrement réceptives à ce message ».
Au cours des discussions menées ces dernières années avec des diplomates et des analystes de l’UE dans la région, deux noms de fonctionnaires européens basés à Bruxelles reviennent sans cesse – tous deux belges et ayant travaillé au cabinet de l’ancien commissaire européen Louis Michel, généralement considéré comme pro-Rwanda et proche de Kigali.
Des relais d’influence dans les cabinets européens
L’un de ces deux noms, Maud Arnould, a déjà fait l’objet d’une certaine attention dans les médias – dans le magazine politique belge Knack et dans une série d’articles d’Africa Intelligence. Elle travaillait au sein du cabinet de l’ex-haut représentant de l’UE Josep Borrell en tant qu’experte de l’Afrique subsaharienne.
Borrell s’intéressant peu à l’Afrique, selon diverses sources, Maud Arnould a joui d’une certaine liberté et d’une certaine influence. Elle est décrite dans certains articles comme proche de Kigali (Knack écrit qu’elle s’est attiré à ce titre l’attention des services de renseignement belges) et défendant un agenda favorable à Kigali. Les demandes d’accès, au titre de la liberté d’information, aux communications entre Arnould et les autorités rwandaises sont restées infructueuses.
Ce contexte général a un impact sur les processus de décision. Selon un article publié par Africa Intelligence en mars 2024, Arnould aurait pesé dans la décision sur le deuxième versement de 20 millions d’euros au Rwanda dans le cadre de la FEP. Le refus du candidat de la Belgique au poste de représentant de l’UE pour les Grands Lacs, qui n’était pas souhaité par le Rwanda, a également été perçu comme une conséquence de cette dynamique. De même, des diplomates interrogés ont exprimé leur inquiétude sur le mépris manifesté par les organes décisionnels compétents de l’UE, tels que la Direction des partenariats internationaux, à l’endroit de l’opposition exprimée par certains États membres sur la question de l’enveloppe rwandaise.
Cela ne rompra pas les relations... Pour l’instant
Dans le même temps, le gouvernement congolais semble réagir avec pragmatisme à la situation actuelle, du moins vis-à-vis des tiers. Le 21 octobre, la Première ministre congolaise, Judith Suminwa Tuluka, a rencontré Jutta Urpilainen, la commissaire européenne chargée des partenariats internationaux, celle-là même qui a signé le protocole d’accord sur les minéraux critiques avec le Rwanda. Les diplomates européens décrivent également des relations de travail pragmatiques avec leurs homologues congolais.
La question est donc la suivante : pourquoi les acteurs congolais ne prennent-ils pas des mesures plus sévères à l’égard de l’UE ? Tout d’abord, paradoxalement, la situation actuelle et les politiques de l’UE sont également utiles, dans une certaine mesure, au régime congolais : elles nourrissent son récit sur la responsabilité étrangère de la crise dans l’Est. En rejetant toute la faute sur le Rwanda et le soutien dont il bénéficie de la part de l’Occident, le gouvernement peut détourner l’attention de ses propres faiblesses, aussi bien militaires que politiques, dans la gestion du conflit avec le M23 et ses relations avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda.
Une position prudente du gouvernement congolais
Deuxièmement, le gouvernement Tshisekedi ne veut pas s’aliéner l’Occident : l’UE, mais aussi les États-Unis. Du moins, pour l’instant. Le règlement politique congolais reste fragile. L’armée est infestée de réseaux d’influence, et le président, qui a vécu pendant trente-cinq ans en Belgique, est apparu comme un outsider relatif. Il a été et reste confronté à divers réseaux puissants, avec lesquels il doit collaborer et qui constituent aussi une menace pour son pouvoir.
Ce n’est pas par hasard que sa sécurité privée est assurée par des étrangers et non par des professionnels du système de sécurité congolais. Selon un article publié par Africa Intelligence en septembre dernier, sa sécurité rapprochée serait assurée par une société militaire israélienne. D’autres sources, proches du régime, disent qu’il s’agit de mercenaires roumains parmi le millier d’hommes initialement recrutés pour former l’armée congolaise dans sa lutte contre le M23.
Alors que la base du pouvoir de Tshisekedi reste relativement fragile, une crainte majeure persiste dans les milieux politiques à l’égard d’un « scénario Lumumba ». Comme son lointain prédécesseur Patrice Lumumba, l’actuel président nourrirait la crainte d’être chassé du pouvoir s’il perdait le soutien de l’Occident et se tournait vers d’autres puissances.
L’équilibrisme de l’Union européenne pour tenter d’apaiser le mécontentement congolais n’a pas produit d’effets. Les conditionnalités adoptées, dont on peut s’interroger sur leur applicabilité, ont certes permis de résoudre les désaccords entre les États membres, mais elles ne changeront pas grand-chose à la perception politique qui domine désormais dans la région.

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