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La lettre hebdomadaire #207

Gabon. Une société civile à reconstruire

L'image est une composition artistique vibrante, remplie de motifs colorés et de visages divers. On y trouve des figures humaines, représentées de manière stylisée, avec des expressions variées. Les visages sont entourés de formes abstraites et de dessins géométriques, créant une atmosphère dynamique et joyeuse. Les couleurs utilisées sont essentiellement des teintes vives, incluant des rouges, des jaunes, des verts et des bleus, qui se mêlent harmonieusement. Les différents éléments de l'image semblent interagir, formant un ensemble riche et captivant qui évoque à la fois l'énergie et la diversité des émotions humaines.
Hangar, Emerson Quinda.
© Emerson Quinda

ÉDITO

AU GABON, UNE SOCIÉTÉ CIVILE À RECONSTRUIRE

En 2023, le Gabon créait la surprise : alors que l’élection présidentielle semblait jouée d’avance, avec la réélection d’Ali Bongo, que toutes et tous anticipaient des troubles postélectoraux réprimés dans le sang comme en 2016, les militaires décidaient d’interrompre le processus et, avec lui, cinquante-six ans de règne de la famille Bongo.

Ce putsch était applaudi par les Gabonais même si, rapidement, celui qui prenait la tête de la transition, le colonel Brice Clotaire Oligui Nguema, s’avérait être un pur produit de l’ancien régime. Qu’importe. Comme l’ont dit les Camerounais lors de la dernière élection présidentielle à propos d’Issa Tchiroma Bakary, devenu l’opposant numéro 1 au nonagénaire Paul Biya après avoir été l’un de ses sbires, « même le Diable, qu’il prenne d’abord le pouvoir au Cameroun et on verra après ». Manière de dire que la priorité est de déboulonner l’autocrate en place, et de voir ensuite ce qui est possible de faire avec le suivant.

Au Gabon, la société civile y a cru. Elle s’est même investie dans une transition qui, pourtant, sentait le soufre dès le début. À preuve : à aucun moment il n’a été question de présenter le (vrai) décompte des voix après le scrutin. Aurait-il donné victorieux l’opposant Albert Ondo Ossa ? Ou Ali Bongo ? Personne ne le saura. L’exercice de transparence aurait pourtant été sain pour la démocratie gabonaise.

Des membres éminents de la société civile, courageux défenseurs des droits fondamentaux au risque de leur vie pendant parfois des décennies, ont décidé de donner une chance aux putschistes. Marc Ona Essangui est l’un d’eux. Nommé troisième vice-président du Sénat de transition au lendemain du putsch, le fondateur de l’ONG Brainforest, ancien coordinateur de la coalition Publiez ce que vous payez au Gabon, lauréat du prix Goldman en 2009, célèbre pourfendeur des Bongo, s’est félicité en avril de la victoire de Brice Oligui Nguema à la présidentielle avec plus de 90 % des suffrages.

Ce score soviétique est pourtant le résultat d’une politique qui a permis d’étouffer toutes les voix discordantes, à commencer par l’opposition. Le manque de financements et la révision du code électoral, en particulier, ont durci les conditions d’accès aux élections : les partis doivent désormais compter au moins 10 000 adhérents et être représentés dans toutes les provinces du pays.

Laurence Ndong est une autre « belle prise » du pouvoir. Entrée dans l’opposition en 2015, fondatrice du mouvement pro-démocratie Debout Peuple libre, elle a occupé, depuis le putsch d’Oligui Nguema, plusieurs ministères, et a même été la porte-parole du gouvernement. En tout, ce sont vingt-cinq personnalités de la société civile qui ont rejoint le putschiste.

La frontière entre le militantisme et la politique est ténue. À la question de savoir s’il n’était pas dans l’ordre des choses que les militants finissent par entrer en politique, la Camerounaise Maximilienne Ngo Mbe a été catégorique : « La société civile fait le pont entre le gouvernement et la population. En franchissant le Rubicon, vous risquez de servir une ligne idéologique ou politique. »

« Le contexte au Gabon est nouveau », estime une militante gabonaise. « Oligui Nguema a siphonné la société civile », confie-t-elle. Il faut « la reconstruire, car celles et ceux qui ont rejoint le pouvoir actuel ne peuvent plus la représenter », tranche-t-elle. Quelle sera la marge de manœuvre avec le nouveau pouvoir ? « Il est possible de dialoguer, mais la communauté internationale devra jouer un rôle de médiateur. » Un vœux qui semble pieux alors que celle-ci, en particulier la France, est restée plutôt silencieuse après le coup de force du nouvel homme fort du Gabon.
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À LIRE

NIN. UN PUTSCHJOUÉ MAIS DES FRAGILITÉS PROFONDES

Cet article est arrivé à point nommé, quelques jours avant le putsch déjoué du 7 décembre, pour éclairer les faiblesses du Bénin dans la contre-insurrection qu’il mène contre les groupes djihadistes dans le nord du pays. Ce sujet est, d’ailleurs, le premier invoqué par les mutins dans leur déclaration lue à la télévision. On observe de nombreuses similitudes entre la situation décrite par Tanguy Quidelleur (auteur pour Afrique XXI d’un article sur la situation au Burkina Faso) et celle des pays du Sahel central, englués dans la crise depuis plus de quinze ans : l’abandon des confins, la lente implantation des groupes armés tirant profit des « conflictualités préexistantes » (compétition pour la terre, rivalités entre agriculteurs et éleveurs, « expansion de grands groupes agricoles », gestion des aires protégées) et captant l’économie locale pour transformer une « discrète base arrière » en zone de conquête, des déplacements massifs de population, une gouvernance locale « clientéliste », voire « prédatrice ».

« Dans ce contexte, le risque de violence ne découle pas seulement d’une importation idéologique depuis le Sahel ou le Nigeria, mais bien de la cristallisation de tensions politiques locales », écrit l’auteur. Il revient sur la trajectoire de l’armée nationale depuis l’indépendance, au pouvoir pendant dix-sept ans après le coup d’État de Mathieu Kérékou, en 1972, puis après la Conférence nationale de 1990, « contrainte à une stricte soumission à l’autorité civile ». Organisée autour de l’opération Mirador (3 000 hommes) pour affronter le péril djihadiste, l’armée bute sur un déficit de renseignement local, la méfiance de populations qu’elle brutalise à l’occasion, la jeunesse et l’impréparation des troupes, poursuit Tanguy Quidelleur.

« Les braises du climat socio-économique » contribuent au sentiment d’injustice ressenti par certains groupes et communautés, notamment dans le nord du pays, avec l’exclusion totale de l’opposition du scrutin présidentiel à venir, en 2026.

Enfin, dernier facteur d’inquiétude, les tensions régionales entre l’Alliance des États du Sahel et la Communauté économique ouest-africaine ont internationalisé la crise, affaibli l’économie béninoise, étroitement dépendante de celle du Niger, et conduit à la rupture de la coopération transfrontalière dans le domaine de la sécurité. La crise de ces derniers jours confirme la tendance identifiée par le chercheur au recours à des « prestataires extérieurs » privés et internationaux, dont la France, qui « conserve un rôle central dans cette architecture », à travers « un dialogue étroit entre les deux chefs d’État ». Bien que discrète, cette coopération nourrit la défiance à l’égard de l’ancienne puissance coloniale. « Comme observé au Sahel, l’arrivée massive de ressources financières et matérielles […] accentue le risque de bousculer les équilibres internes de l’appareil sécuritaire béninois. »

À lire : Tanguy Quidelleur, « Bénin. Derrière le mirage de stabilité, conflits armés transnationaux et fractures internes », Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), 24 novembre 2025. Disponible ici en pdf.
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SUR NOS ÉCRANS RADARS

RD CONGO-RWANDA. MALGRÉ L’ACCORD DE WASHINGTON, l’AFC/M23 PREND UNE GRANDE VILLE DU SUD-KIVU

Le « deal à la Trump » du 4 décembre n’y aura donc rien fait : le Rwanda est déterminé à asseoir davantage sa position de force dans le conflit qui l’oppose à la République démocratique du Congo (RD Congo). Les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo-M23, appuyés par l’armée rwandaise, ont pris mercredi Uvira, la deuxième ville du Sud-Kivu, après des combats urbains qui ont causé la mort d’environ 400 civils, selon RFI. Les rebelles se trouvent désormais aux portes de Bujumbura, la capitale économique du voisin burundais (dont la capitale politique est, aujourd’hui, Gitega), située juste de l’autre côté de la frontière. Comme le racontait le journaliste James Rufuku dans son reportage de février dernier, le Burundi, engagé dans cette guerre auprès de l’armée congolaise, entretient des relations exécrables avec le Rwanda et craint pour sa propre sécurité.

À (re)lire : À la frontière du Burundi, la guerre se rapproche.
Et l’édito du 4 juillet signé Colette Braeckman : Rwanda-RD Congo. Le deal à la Trump

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LES ARTICLES DE LA SEMAINE

En Tanzanie, la GenZ est déterminée
Témoignages Un mois après la proclamation de la victoire de Samia Suluhu Hassan, élue présidente le 1er novembre avec plus de 97 % des voix, et des manifestations qui ont fait des centaines de morts, les jeunes Tanzaniennes entendent poursuivre le mouvement pour faire « renaître » leur pays.
Par Julie Déléant

Médecins étrangers en France. Déclassement et dumping social
Analyse Si la migration médicale fait souvent l’objet de débats autour de « la fuite des cerveaux » dans les pays de départ et des « déserts médicaux » dans les pays d’arrivée, les intentions et les usages politiques du phénomène, à des fins économiques, ont été peu analysés.
Par Atfa Memaï

African Parks au Tchad. Des ratés mais un soutien indéfectible de l’Europe
Enquête Ivoire disparu, subventions détournées, braconniers qui font la loi : selon des initiés, le chaos règne dans la réserve naturelle de Zakouma, au Tchad, gérée par African Parks. Mais quand le gouvernement a voulu rompre avec cette ONG, son principal bailleur de fonds, l’Union Européenne, s’y est opposé.
Par Olivier van Beemen
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IN ENGLISH

In Tanzania, GenZ is determined
Report A month after the proclamation of the victory of Samia Suluhu Hassan, elected president on November 1st with over 97% of the vote, and demonstrations that caused hundreds of deaths, young Tanzanians intend to continue the movement to bring about the “rebirth” of their country.
By Julie Déléant

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