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CAN 2026. IL Y A UN SIÈCLE, L’EMPRISE DES COLONS SUR LE FOOT AFRICAIN
De George Weah, premier et unique Africain à avoir reçu le Ballon d’or, à Samuel Eto’o, en passant par Sadio Mané, Didier Drogba, et tant d’autres… Les stars du football africain font rayonner ce sport sur le continent et en dehors en tant que joueurs internationaux. Aujourd’hui, ils sont nombreux dans les clubs européens, repérés très jeunes par des chasseurs de talents. Ils seront aussi, et surtout, l’objet de toutes les attentions devant le public de leur nation durant la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui aura lieu au Maroc du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026 (non sans raviver des tensions sociales).
En revanche, qui connaît le nom du premier joueur professionnel noir ? Pas grand monde. Arthur Wharton, né au Ghana en 1865 (alors une colonie britannique appelée Gold Coast), a notamment évolué dans le Preston North End Football (nord-ouest de l’Angleterre). Cette « anecdote », parmi beaucoup d’autres, est le fruit du travail du journaliste sportif franco-marocain Saïd El Abadi. Dans L’Histoire du football africain, l’auteur offre une plongée aux origines du ballon rond sur le continent.
Tout naît avec la colonisation. Inventé par les Anglais, le football est importé, et sa pratique est d’abord réservée aux colons. Ceux-ci imposeront longtemps des règles ségrégationnistes pour tenir à l’écart les joueurs locaux. Dans l’empire français, la pratique de ce sport leur est tout simplement interdite jusqu’en 1920. Les premiers clubs en Afrique du Nord dont le nom faisait trop référence à la religion musulmane étaient rebaptisés. Leur direction devait revenir à des colons. Les matchs entre colons et joueurs locaux étaient bannis, etc.
« Le général Jung, commandant des troupes de l’Afrique-Occidentale française (AOF), raconte le journaliste, avait tout simplement indiqué que ce jeu était trop compliqué pour “les nègres”. Même s’il précisera : “Avec de la patience, on peut arriver à leur faire comprendre le rôle de chaque joueur, la place qu’il devait tenir et surtout l’importance et le but de la passe”. » Un siècle plus tard, en 2030, la Coupe du monde se déroulera en partie au Maroc.
Car, assez vite, les qualités des joueurs africains seront finalement appréciées… Surtout pour alimenter (déjà) les clubs européens. L’auteur écrit : « À la veille de la Seconde Guerre mondiale, on comptait dans les équipes professionnelles françaises une quarantaine de Maghrébins – en 1938, on comptabilise 147 Africains en première et deuxième division – comme Abdelkader Ben Bouali, Larbi Ben Barek et Riahi Rabih (Olympique de Marseille), Gnaoui Souilem, Abdelkader Chibani (Red Star), Maâmar Belhadj (Stade de Reims), Aoued Meftah (Fives-Lille), Saïd Benarab (Bordeaux). »
L’Égypte est la première équipe nationale africaine à fouler le gazon d’une Coupe du monde, en 1934. Suivront le Maroc (1970) et le Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), en 1974. Désormais, neuf places sont réservées aux équipes africaines.
La Confédération africaine de football (CAF), quant à elle, est lancée en 1957 après d’âpres négociations avec la Fédération internationale de football association (Fifa). La même année a lieu la première Coupe d’Afrique des nations (CAN), appelée à cette occasion le Tournoi Abdelaziz Abdellah Salem, à Khartoum. Elle est remportée par les Pharaons, à jamais les premiers.
À lire : Saïd El Abadi, L’Histoire du football africain, Faces cachées Éditions, octobre 2025, 224 pages, 21,90 €.
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SUR NOS ÉCRANS RADARS
LA CEDEAO REVIGORÉE MAIS TOUJOURS AUSSI DIVISÉE
Réunie en sommet des chefs d’État dimanche à Abuja, la Cedeao s’est félicitée de son intervention militaire couronnée de succès, au Bénin, contre la tentative de coup d’État finalement déjouée conduite par des officiers de ce pays le 7 décembre. À l’inverse des tergiversations d’il y a deux ans contre le Niger, dans lesquelles le Nigeria, divisé en interne, avait fait piètre figure, l’organisation ouest-africaine a réussi à montrer les muscles, avec un appui français en renseignement et forces spéciales discret mais assumé, aux côtés d’une mobilisation armée d’Abuja au sol et dans les airs. Cet événement a cependant illustré une fois de plus la fracture qui ne cesse de se creuser entre l’organisation et les trois sécessionnistes de l’Alliance des États du Sahel, sous la forme d’un front invisible mais bien réel. C’est une guerre froide qui s’installe entre les deux camps, avec son cortège de complots et de défiance réciproque, menaçant la survie même de la Communauté. La chercheuse Amandine Gnanguênon avait raconté, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Cedeao, l’histoire d’une institution en pleine tourmente.
À (re)lire : Jubilé de la Cedeao. Un anniversaire dans la tempête..
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