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La lettre hebdomadaire #206

Niger. Un an après son arrestation, Moussa Tchangari toujours en prison

Cette image est une peinture colorée et abstraite. On y voit des formes géométriques variées, principalement des cercles, des lignes et des figures humaines stylisées. Les couleurs sont vives et contrastées : des oranges, des verts, des bleus, et des jaunes, créant un dynamisme visuel. Les personnages semblent interagir, chacun occupant une place bien définie dans la composition. Les contours sont marqués, ajoutant une dimension graphique qui attire l'œil. L'ensemble évoque une atmosphère énergique et joyeuse.
Peak of the Drum, de Wumight.
© The Niger Bend

DANS L’ACTU

AU NIGER, LA SOCIÉTÉ CIVILE ATTEND LA LIBÉRATION DE L’INFATIGABLE MOUSSA TCHANGARI

À 56 ans, Tchang, comme on le surnomme affectueusement au Niger arrêté chez lui il y a un an, a été de toutes les batailles. Ses amis se souviennent du militant qu’il était déjà au lycée puis, étudiant en philosophie, à l’orée des années 1990, dans la vague du mouvement scolaire qui allait renverser, non sans sacrifices en vies humaines, les héritiers du général Seyni Kountché et de son régime d’exception. Révolutionnaire, marxiste, très attaché au milieu kanouri, dans l’extrême est du Niger, qui l’a vu naître, Moussa Tchangari a participé à la Conférence nationale qui a fracturé le glacis du parti unique pour accoucher du multipartisme et de la démocratie. Les étudiants y étaient présents en nombre. Mais, très vite, Tchangari se consacre aux droits humains, fondant en 1991, avec d’autres, l’Association nigérienne de défense des droits de l’homme (ANDDH) qui a joué un rôle décisif dans les combats pour les libertés publiques jusqu’à la fin des années 2000.

Après une carrière de journaliste portée par une plume brillante et érudite, il crée en 1994 sa propre structure, entre éducation populaire et école militante : Alternative Espace Citoyens. Plusieurs figures des médias, de la société civile et même de la politique sont issues de ce creuset où ont fleuri des radios associatives, des films, des journaux et d’inlassables programmes de formation citoyenne.

Ce travail obstiné et intransigeant a valu à Tchangari plusieurs arrestations et séjours en prison au fil des régimes et de ses engagements : contre la vie chère en 2005, contre les arrestations arbitraires dans les villages de l’est du pays en butte à Boko Haram en 2015, contre la loi de finances de 2018, et, après le coup d’État qui a renversé Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, contre les nouveaux dirigeants militaires et la menace qu’ils représentaient pour le pays. Cet épisode a traduit une rupture avec une partie de ses anciens camarades de combat qui ont, eux, applaudi la chute du régime socialiste au pouvoir depuis 2011.

Affiche anniversaire de l'arrestation de Moussa Tchangari.
Affiche anniversaire de l’arrestation de Moussa Tchangari.
© Alternative Espace Citoyens

Le 3 décembre 2025, au siège d’Alternative Espace Citoyens, une journée de solidarité et de mobilisation était organisée pour « célébrer l’intégrité d’un homme dont l’absence physique n’a jamais effacé la présence morale », selon les mots de l’activiste Kaka Touda. Arrêté il y a un an, de retour d’un voyage à l’étranger, Moussa Tchangari est détenu à la prison de Filingué et poursuivi pour apologie du terrorisme, complot contre l’autorité de l’État, association de malfaiteurs et intelligence avec une puissance étrangère ennemie. Accusations qui font sourire ceux qui suivaient ses flèches anti-impérialistes, bien avant le coup d’État, contre la France, son exploitation de l’uranium et son intervention militaire. « Le connaissant et connaissant ses engagements, on sait bien qu’il ne peut pas aller à l’encontre des intérêts du Niger », s’agace l’un des participants. Le tempérament, la longévité et le carnet d’adresses de Moussa Tchangari lui valent de solides soutiens à l’étranger. Reste qu’au-delà du sort particulier d’une personnalité hors du commun, un participant à la réunion déplore un rétrécissement spectaculaire de l’espace civique et un nombre d’arrestations de journalistes inédit depuis la libéralisation du secteur, en 1991.
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À VOIR

LIBERIA. DANS L’ENFER DU KUSH

Maclean a été un enfant soldat durant la deuxième guerre civile du Liberia (1999-2003). À 42 ans, il essaye de se désintoxiquer d’une drogue qui ravage le pays : le kush, une substance de synthèse composée d’opioïdes ou de cannabinoïdes et de divers autres produits chimiques, dont des pesticides.

Le reportage Liberia : Kush, la drogue des morts met en lumière l’enfer vécu par des milliers de Libériens. Comme Ash et Caroline. Ces « deux âmes accrochées l’une à l’autre » déambulent tels des zombies dans les rues de la capitale, Monrovia. « Dès qu’on s’est vu, on s’est tout de suite compris », raconte Ash, qui tente de protéger sa fiancée la nuit, quand celle-ci se prostitue pour gagner quelques dollars.

Au Liberia, un quart des jeunes seraient intoxiqués par le kush. Michael Bowen, un ancien footballeur et toxicomane états-unien, parcourt les cimetières de la capitale où meurent par dizaines les « Zogos », le surnom habituellement consacré pour désigner les personnes les plus pauvres. Bowen, agent immobilier au Texas, dit avoir été sauvé par Dieu. Ce Born Again propose aux accrocs du kush des cures de désintoxication. Ash décide de tenter sa chance alors que le seul centre pour femmes du pays n’a pas de place pour Caroline.

Dans ce pays où les criminels de guerre ont été impunis, certains d’entre eux se rachètent une bonne conscience en essayant de sauver les Zogos. Joshua Milton Blahyi, alias Général Butt Naked, est de ceux-là. Celui qui fut l’un des pires seigneurs de guerre du pays a massivement recouru aux enfants-soldats. Il gère aujourd’hui un centre de désintoxication. Lui-même admet avoir été une source du problème en ayant fourni de la drogue à ses soldats...

« Ce que je porte est un fardeau vraiment très lourd », regrette Maclean en égrenant certaines des atrocités auxquelles il a assisté. Maclean est décédé d’une overdose, peu de temps après la fin du reportage.

À voir : Liberia : Kush, la drogue des morts, d’Arthur Rayssiguier, Maxime Priou, Pierre Chabert, 38 minutes, disponible sur la chaîne youtube d’Arte
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SUR NOS ÉCRANS RADARS

UN NOUVEAU PAS VERS LA JUSTICE EN GAMBIE ?

Les autorités gambiennes ont annoncé l’arrestation au Sénégal, samedi 29 novembre, de Sanna Manjang, un ancien membre des « Junglers », les escadrons de la mort du président Yahya Jammeh (1994-2017). Il a été inculpé mercredi. Son témoignage, très attendu, pourrait apporter des précisions sur la manière dont opéraient les « Junglers » et augmenter la pression sur Jammeh, réfugié en Guinée équatoriale. Comme l’expliquaient les journalistes Paul Boyer et Rémi Carton en 2022, ces commandos auraient tué plus de 200 personnes. Ce qu’attendent surtout désormais les victimes de cette terrible dictature, c’est le procès de leur chef, Jammeh lui-même.

À (re)lire : En Gambie, les plaies toujours béantes de la dictature.
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LES ARTICLES DE LA SEMAINE

Au Cameroun, la grosse galère pour les anciens footballeurs
Témoignages Au pays de Roger Milla et de Samuel Eto’o fils, les anciens joueurs ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Certaines histoires virent au drame, alors qu’aucun soutien de la part de l’État n’existe.
Par Pierre Arnaud Ntchapda

Maroc. La CAN ravive les fractures sociales
Sport Le 21 décembre, le royaume accueille la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Il y a quelques semaines, une partie de sa jeunesse dénonçait dans la rue le coût social de cette compétition, qu’elle considère comme superflue comparée aux urgences sociales du pays.
Par Omar Kabbadj

La course d’obstacles pour les étudiants subsahariens au Maroc
Reportage Chaque année, des milliers de jeunes d’Afrique subsaharienne posent leurs valises au Maroc, attirés par la stabilité du pays, la qualité de ses universités et l’espoir d’un avenir meilleur. Mais derrière l’image d’un royaume accueillant se logent souvent désillusions et obstacles administratifs.
Par Mama Dite Mady Kebe

Mélenchon a-t-il (vraiment) sauvé la gauche ? avec Abdourahman Waberi
Horizon XXI Écrivain et intellectuel, homme de gauche « d’ici et d’ailleurs », Abdourahman Waberi arpente la planète, de Djibouti où il est né à une époque où ce pays de la Corne d’Afrique était encore une colonie française, en passant par la France, l’Allemagne, la Suisse ou les États-Unis. Dans son Autoportrait avec Mélenchon, l’homme qui a sauvé la gauche, il raconte son cheminement politique personnel, fait de désillusions mais aussi, et surtout, d’un nouvel élan grâce à sa rencontre avec La France insoumise.
Par Michael Pauron

Les « Afriques » de Frantz Fanon
Analyse « Congénère », « sauvage de la brousse »… La perception de l’Afrique subsaharienne par le célèbre psychiatre et militant anticolonial martiniquais a évolué au fil de ses voyages, de ses rencontres et de ses rendez-vous manqués.
Par Lydie Esther Moudileno
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IN ENGLISH

The Obstacle Course for Sub-Saharan Students in Morocco
Report Every year, thousands of young people from sub-Saharan Africa set up residence in Morocco, attracted by the country’s stability, the quality of its universities, and the hope for a better future. But behind the image of a welcoming kingdom often lies disillusionment and administrative obstacles.
By Mama Dite Mady Kebe

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