Au Gabon, « un ardent désir de parvenir à l’alternance »

Entretien · C’est jour d’élections générales ce samedi 26 août au Gabon. Ali Bongo Ondimba fait face à une opposition soudée derrière Albert Ondo Ossa. Après cinquante-six ans de règne, la famille Bongo et le Parti démocratique gabonais peuvent-ils être battus dans les urnes ? Tentative de réponse avec Noël Bertrand Boundzanga, maître de conférences à l’Université Omar-Bongo.

Le président sortant Ali Bongo Ondimba le 27 juin 2023.
© Ali Bongo Ondimba/Flickr

Candidat unique de l’opposition empêché de faire campagne, rapports alarmants d’ONG sur les droits humains (lire l’encadré au pied de cet article), manifestations de la diaspora un peu partout dans le monde, journalistes étrangers sans nouvelle de leur visa… Les jours qui ont précédé les élections générales au Gabon, qui se tiennent ce samedi 26 août, ont mis la pression sur un régime fragilisé depuis 2016. Cette année-là, Ali Bongo Ondimba, qui a succédé à son père, Omar Bongo, en 2009, était proclamé vainqueur de l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle – qui était présidée, à l’époque, par la belle-mère du président sortant –, face à Jean Ping, avec seulement 5 000 voix d’écart.

Cette victoire, que Jean Ping n’a jamais reconnue, était contestée dans la rue dès le lendemain de l’élection, le 31 août. Une forte mobilisation qui avait plongé le pays au bord de la guerre civile. Pour mater les manifestants, l’armée gabonaise avait tiré à balles réelles et mitraillé le quartier général de l’opposant. La crise postélectorale d’août-septembre 2016 avait fait des centaines de blessés et de disparus, et plusieurs morts : trois selon les autorités, vingt-huit selon la société civile.

En mars 2017, en signe d’ouverture, le régime organisait le dialogue national d’Angondjé – sans Jean Ping – à l’issue duquel le processus électoral était modifié : le scrutin uninominal à un tour passait à deux tours, et le Centre gabonais des élections (CGE) était mis sur pied en lieu et place de la Commission électorale nationale autonome et permanente. Composé de représentants de l’opposition et du pouvoir, cet organisme est chargé d’organiser le vote et d’annoncer les résultats. Lors des élections législatives de 2018, le Parti démocratique gabonais (PDG), d’Ali Bongo1 obtenait la majorité qualifiée des deux tiers à l’Assemblée nationale.

Six ans plus tard, début 2023, année d’élections donc, le gouvernement décide de modifier la Constitution : le mandat présidentiel passe de sept à cinq ans, le scrutin uninominal repasse à un tour2, et les élections législatives et locales doivent se tenir en même temps que la présidentielle. Le nombre de mandats, pour toutes ces élections, devient illimité. Pour l’opposition, cette série de réformes traduirait la fébrilité du PDG face à l’impopularité d’Ali Bongo, par ailleurs affaibli depuis 2018 par un accident vasculaire cérébral. En juillet 2023, le code électoral est à nouveau modifié : seuls deux représentants de l’opposition, quel que soit le nombre de candidates, sont admis dans les bureaux de vote, et le bulletin de vote unique pour les législatives et la présidentielle est instauré3.

Alors que dix-neuf candidatures ont été validées par la CGE pour ces élections générales, une grande partie de l’opposition a finalement décidé de se regrouper au sein de la plateforme Alternance 2023 et de désigner, le 18 août, un candidat unique, Albert Ondo Ossa. Mais l’alternance est-elle envisageable dans ce petit État pétrolier de 2,3 millions d’habitantes où le pouvoir est entre les mains de la même famille et du même parti depuis cinquante-six ans, et dont tous les rouages ont été cornaqués par ce clan ? Maître de conférences à l’Université Omar-Bongo, auteur de Le Gabon, une démocratie meurtrière (L’Harmattan, 2016) et membre du collectif Appel à Agir, Noël Bertrand Boundzanga croit à la possibilité d’une passation de pouvoirs si, et seulement si, le régime en place accepte le résultat des urnes. Entretien.

« Une alternance [est possible] à condition d’accepter le résultat des urnes »

Michael Pauron : La famille Bongo et le Parti démocratique gabonais sont au pouvoir depuis 1967. L’alternance politique est-elle possible ?

Noël Bertrand Boundzanga : Il peut y avoir une alternance à condition que ceux qui organisent les élections acceptent le résultat des urnes. En 2016, le régime au pouvoir n’a pas accepté la défaite d’Ali Bongo. Or, cette fois encore, on peut craindre légitimement qu’il n’acceptera pas une défaite et qu’il sera suivi par la CGE. Le président de cet organisme est un membre du PDG, alors que la règle stipule qu’il devrait être non partisan. Comme en 2016, le pouvoir en place est capable d’user de la force pour se maintenir, en dépit de la capacité des Gabonais de s’exprimer pour l’alternance.

Noël Bertrand Boundzanga
© DR

Michael Pauron : L’opposition est-elle en mesure de s’entendre et de réunir les Gabonais autour d’un projet ?

Noël Bertrand Boundzanga : À travers la plateforme Alternance 2023, l’opposition est parvenue à trouver un candidat consensuel en la personne du professeur Albert Ondo Ossa. Albert Ondo Ossa est un économiste spécialiste de l’économie monétaire. Il a été plusieurs fois ministre d’Omar Bongo entre 2006 et 2008. Il n’est affilié à aucun parti politique et est un acteur connu de la société civile. C’est une personne d’un sérieux absolu. Je ne doute pas de sa capacité et de sa volonté à porter une ambition collective.

Michael Pauron : Une bonne partie des membres de cette plateforme sont issus des rangs du PDG… Peut-on vraiment parler d’opposition ?

Noël Bertrand Boundzanga : Je pense qu’on a le droit de rompre à partir du moment où on ne peut plus travailler ensemble et régler les problèmes qui se posent à la société. C’est ce qu’ont fait Mike Jocktane, l’ancien Premier ministre Raymond Ndong Sima, Paulette Missambo, Alexandre Barro Chambrier… Certains ont quitté le PDG dès 2009, à la mort d’Omar Bongo, d’autres plus tard.

Paulette Missambo et Alexandre Barro Chambrier appartiennent tous deux à des partis politiques (l’Union nationale et le Rassemblement pour la patrie et la modernité) ayant une implantation nationale. Ces deux personnalités de premier plan ont préparé les campagnes présidentielle, législatives et locales. Ils ont positionné des candidats à l’intérieur du pays. En choisissant Ondo Ossa et en renonçant aux législatives [voir plus loin, NDLR], ils ont donc consenti à un sacrifice important qui semblait inimaginable. On ne peut pas douter aujourd’hui de l’ardent désir de parvenir à l’alternance par des voix démocratiques en dépit de toutes les réserves qu’on peut exprimer à l’égard du CGE.

« Ali Bongo est une figure lointaine »

Michael Pauron : Le pouvoir a multiplié les réformes électorales jusqu’au dernier moment. Pourquoi ?

Noël Bertrand Boundzanga : En 2018, une consultation avait conduit à de nouvelles règles électorales plus équitables, qui ont finalement été modifiées au dernier moment, en 2023, consacrant notamment le retour à l’élection uninominale à un tour. Le régime, qui organise les élections, a également décidé de faire les élections présidentielle, législatives et locales au même moment. Et puis, il y a le bulletin unique... Ce bulletin regroupe le candidat à la présidentielle et le candidat aux législatives qui lui est affilié. L’électeur qui choisit tel député choisit automatiquement le président qui lui est associé, ou vice versa.

Or les gens sont attachés à leur député, pour des raisons diverses – des affinités amicales, familiales, claniques ou de bord politique… Ali Bongo est en revanche une figure lointaine, rejetée par beaucoup de Gabonais. Pour sauver Ali Bongo, il a donc fallu lui associer un député local apprécié par la population. On parle au Gabon d’un système « semi-présidentiel ». En réalité, c’est un système « bâtard ». Raison pour laquelle les membres d’Alternance 2023 appellent à faire abstraction des législatives. Albert Ondo Ossa n’ayant pas de parti politique, il n’y aura aucun candidat aux législatives sur son bulletin. Il n’y aura que son nom, ce qui oblige les électeurs à se désintéresser des législatives. Par conséquent, si Ondo Ossa est élu le 26 août, il sera dans l’obligation de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser de nouvelles élections législatives.

Michael Pauron : S’il est élu, comment imaginer une passation de pouvoirs après cinquante-six ans de règne de la famille Bongo ?

Noël Bertrand Boundzanga : Le PDG et la famille Bongo sont au pouvoir depuis 1967. Le PDG a été le parti unique jusqu’en 1990. Omar Bongo, fondateur du PDG, a ensuite concédé le multipartisme. Mais il n’a pas concédé l’alternance. Lui est resté président de 1967 jusqu’à sa mort, en juin 2009. Aux élections de 2009, le PDG a investi Ali Bongo, qui a finalement succédé à son père. Le PDG et la famille possèdent la machine électorale, la machine économique, la machine politique et la puissance de l’État. Dans ces conditions, est-il possible d’envisager une alternance politique ? Jean Ping, qui n’est pas candidat cette fois4, a dit qu’il ne servait plus à rien d’aller aux élections face au PDG et aux Bongo puisqu’ils n’acceptent pas le résultat des urnes. L’alternance sera donc un défi pour le « système ».

« Les Gabonais croient en la démocratie »

Michael Pauron : Justement, le « système » est-il en mesure d’organiser une alternance ? À quoi ressemblerait-elle ?

Noël Bertrand Boundzanga : Il y a deux hypothèses. La première est celle de la démocratie, ce en quoi croient les Gabonais. Ils sont persuadés que le bulletin de vote peut amener l’alternance, raison pour laquelle ils votent massivement5, en dépit des défaillances du « système » organisées par le régime, et des frustrations qu’ils expriment.

La deuxième hypothèse serait une transition politique, c’est-à-dire un accord entre le pouvoir et l’opposition, qui s’entendraient face à l’impossibilité du « système » à organiser cette alternance démocratique. C’est la voie envisagée par une partie de l’opposition qui estime que, puisque cette alternance démocratique est fonctionnellement impossible, mieux vaut s’entendre autour d’une transition d’une durée déterminée et dont il faudrait préciser les contours.

On ne parle pas d’une troisième hypothèse : le coup d’État. Il me semble que les Gabonais n’en veulent pas, même s’ils sont redevenus monnaie courante depuis trois ans en Afrique francophone. Les Gabonais souhaitent une transmission pacifique du pouvoir alors que, depuis 2009, il y a au moins trois morts à chaque élection6.

Albert Ondo Ossa, lors d’un meeting, le 22 août 2023.
© Plateforme Alternance 2023

Michael Pauron : Comment expliquer l’espoir des Gabonais après tant d’années de frustrations ?

Noël Bertrand Boundzanga : Depuis 1991, les Gabonais accumulent les désillusions mais ils continuent de croire à l’alternance et à la transmission pacifique du pouvoir. Le régime provoque les bas instincts et agite les haines, instille les germes de la violence, car il sait que c’est lui qui est armé. Les Gabonais sont pacifiques et même pacifistes à certains égards. Raison pour laquelle ils ont été traumatisés en 2016, lorsqu’un hélicoptère est venu bombarder le QG de Jean Ping. C’était inimaginable. Cela a été assimilé à un acte de guerre. Mais les seules personnes capables de faire la guerre sont celles qui détiennent la puissance publique.

« Où est encore l’État dans ce pays ? »

Michael Pauron : Quid du rôle de la communauté internationale ?

Noël Bertrand Boundzanga : La population ne comprend pas pourquoi sa foi en la démocratie n’est pas soutenue par la communauté internationale, qui, pourtant, appelle à des élections pacifiques. Elle se sent abandonnée et constate que cette même communauté commerce avec ce régime qui la réprime.

Michael Pauron : L’armée, dont une partie s’était mutinée et avait tenté un coup d’État en 2019, pourrait-elle, cette fois, jouer le rôle d’arbitre ?

Noël Bertrand Boundzanga : L’armée gabonaise n’est pas républicaine et est inféodée au pouvoir. On peut dire que l’armée est un instrument du pouvoir comme l’est le PDG. Il y a une patrimonialisation de l’infrastructure étatique au profit du clan Bongo. Même la télévision nationale fonctionne comme si c’était un instrument du régime. Où est encore l’État dans ce pays ? On a l’impression qu’il n’y a plus que des courtisans, des travailleurs ou des esclaves du régime.

La succession des coups d’État dans d’autres pays du continent est déplorable, mais je pense aussi que ceux qui saluent et ceux qui exécutent les coups d’État ne le font pas par plaisir. Ils sont poussés à bout. Les peuples d’Afrique souffrent beaucoup. On a trop vanté les mérites de la démocratie en lui collant la capacité d’apporter le développement. Or on se rend compte, depuis une trentaine d’années, que le fait que les gens aillent voter n’apporte pas le bien-être social, politique, etc. Pour beaucoup, la démocratie telle que pratiquée dans nos pays est devenue un leurre. Cependant, l’armée joue déjà un mauvais rôle au Gabon, on ne peut donc pas souhaiter qu’elle joue un rôle plus néfaste.

« La France reste la même »

Michael Pauron : En 2009, des émeutiers s’en étaient pris au consulat général de France, estimant que Paris avait favorisé l’élection d’Ali Bongo. Et, dans votre dernier livre, vous écrivez que la politique gabonaise ne peut être dissociée de la France. Que voulez-vous dire ? Pensez-vous que les Gabonais puissent rejeter la France comme au Mali, au Burkina Faso ou encore au Niger ?

Noël Bertrand Boundzanga : Il n’y a pas de dictature en Afrique francophone qui n’ait été soutenue par la France. Au Congo voisin, Denis Sassou-N’Guesso a fait un coup d’État en 1997 avec l’assentiment de la France, contre Pascal Lissouba qui avait gagné les élections cinq ans plus tôt. Ces chefs d’État sont des « ambassadeurs » ou des « gouverneurs » de la France. On parle du « sentiment anti-français » : ce sentiment contre la France n’est pas irrationnel. Les Gabonais pensent que la France soutient les dictatures et qu’elle est contre les processus démocratiques.

Voilà le paradoxe : François Mitterrand a appelé [le 20 juin 1990, lors du 16e sommet franco-africain à La Baule, NDLR] les chefs d’État africains à aller vers le multipartisme. Mais, malgré les présidents qui passent, la France reste la même. Nicolas Sarkozy soutient Ali Bongo en 2009 ; Emmanuel Macron soutient le fils Déby au Tchad en 2021... C’est une histoire de conservation des avantages coloniaux à l’ère postcoloniale. Ce n’est qu’une histoire d’héritage. Et, au Gabon, de plus en plus, comme partout en Afrique francophone, naissent des « associations » contre la présence française. Même certains hommes politiques gabonais tiennent un discours contre la France. Le processus est en cours.

Emmanuel Macron a reçu Ali Bongo Ondimba le 23 juin 2023, à l’Élysée.
© Ghislain Mariette / Présidence de la République

Michael Pauron : Les Gabonais pensent-ils que la France joue un rôle dans cette élection ?

Noël Bertrand Boundzanga : Ils sont persuadés – à tord ou à raison – que les Bongo touchent un gros pourcentage des revenus pétroliers du pays. Ils sont donc sûrs qu’avec cette manne financière incommensurable les Bongo peuvent corrompre tout le monde, y compris les hommes politiques français. L’histoire l’a déjà démontré.

Michael Pauron : L’opposition a-t-elle la capacité d’observer les élections ?

Noël Bertrand Boundzanga : Le CGE permet à l’opposition de disposer de deux représentants dans chaque bureau de vote. Maintenant, quels sont les critères de choix de ces personnes sachant qu’il y a aussi une opposition « du pouvoir », c’est-à-dire qu’elle a été fabriquée par le pouvoir lui-même ? Ce sont des complices qui se positionnent à l’intérieur de l’opposition « réelle » pour la perturber. On l’a vu quand il s’est agit de trouver des membres de la CGE dans l’opposition : le pouvoir a contourné l’opposition « réelle » et favorisé sa propre opposition.

« On constate une montée des discours xénophobes »

Michael Pauron : Des organismes extérieurs ont-ils été autorisés à observer les élections ?

Noël Bertrand Boundzanga : L’Union européenne ne sera pas observateur, ni l’Union africaine. Les Gabonais seront « face à face ».

Michael Pauron : Une partie des Gabonais craint aussi cette alternance...

Noël Bertrand Boundzanga : Pourquoi ? Si l’opposition gagne, ils travailleront toujours. Les fonctionnaires gabonais ne sont ni des opposants ni des « pdgistes ». Moi-même, je suis professeur à l’université, je m’exprime, je travaille. Cela ne changera pas avec une alternance. Ils ne doivent pas avoir peur. Si demain Ondo Ossa gagne, tout le monde ira travailler. Je ne crois pas qu’il y aura une chasse à l’homme. Personne ne veut brûler ce pays, contrairement à ce qui est affirmé sur les ondes midi et soir.

Michael Pauron : Et si Ali Bongo l’emportait à nouveau ?

Noël Bertrand Boundzanga : Ali Bongo est dangereux pour le Gabon : depuis son élection, en 2009, le pays est sous tension permanente, on constate une montée des discours xénophobes, ethniques et claniques… Il ne remplit pas les conditions pour unifier les Gabonais. L’alternance n’a pas de parti. Elle est souhaitée même au sein du PDG. Il ne faut pas croire qu’au sein de ce parti tout le monde est d’accord avec la « monarchisation » du pays. Beaucoup ne le disent pas par peur, mais l’alternance est bien une ambition collective. Quand un hôpital n’a plus les capacités de fonctionner, cela ne touche pas que l’opposition ou le pouvoir, cela touche tout le monde. Le Gabon a de quoi nourrir ses enfants, il ne faut pas continuer cette gabegie au profit d’une quarantaine de personnes qui jouissent du pouvoir et de l’argent public.

Un espace civique de plus en plus restreint

Dans un rapport intitulé « L’espace civique en République gabonaise : le paravent d’un arbitraire », publié le 21 août 2023, le collectif Tournons la page (TLP) dénonce les atteintes récurrentes aux libertés dont sont victimes les Gabonais malgré, parfois, des textes de loi qui sont censés les protéger. C’est le cas par exemple de la liberté syndicale et du droit de grève garantis par la Constitution et les textes de l’Organisation internationale du travail, dont est membre le Gabon. Pourtant, rappelle TLP, « des enseignants syndicalistes grévistes ont fait l’objet de sanctions et de menaces de licenciement, quand d’autres ont même été menacés de mort ». Le régime tente par ailleurs de contrôler les listes des personnes syndiquées en imposant une mise à jour informatique régulière des fichiers.

La pression est également très forte sur la liberté de la presse. Selon TLP, depuis la dernière élection présidentielle, en 2016, treize journaux ont été suspendus. Cette répression est d’autant plus simple à appliquer que la loi dispose que la presse doit « promouvoir l’unité nationale ». Ainsi, toute critique peut être interprétée comme allant à l’encontre de ce principe. Des journalistes ont régulièrement été arrêtés depuis 2016 alors que « le Code de la communication ne prévoit pas de peines privatives de liberté pour les délits de presse ». Ainsi, Juldas Biviga, de Radio Massanga, a été arrêté en 2017 pour « complicité de diffamation par voie de presse » et « outrage à magistrat » après la diffusion d’une interview du leader syndicaliste Marcel Libama – lui-même arrêté. Bertin Ngoua Edou, du journal Le Diagnostic, a de son côté été accusé de propagation de fausses nouvelles et de diffamation. Emmené le 27 décembre 2019 à la Direction générale de la recherche, le service de renseignements de la gendarmerie, il a été relâché plusieurs jours plus tard.

TLP alerte par ailleurs sur les détentions préventives abusives (« Bertrand Zibi, ancien député du parti au pouvoir puis opposant, a passé presque trois ans en détention préventive avant d’être jugé, en juillet 2019 ») et les actes de torture pratiqués sur des détenus. Selon son témoignage paru dans la presse gabonaise, Patrichi Tanasa, l’ancien patron de la Gabon Oil Company condamné en 2022 pour détournement de fonds publics, complicité de détournement de fonds publics et blanchiment de capitaux, « aurait subi une agression sexuelle dans la nuit du 25 au 26 janvier 2020 par trois hommes cagoulés, dans sa cellule. Les agresseurs, portant des uniformes de la Sécurité pénitentiaire, lui auraient ligoté les mains dans le dos et asséné des coups dans les parties génitales à l’aide d’une corde. Il aurait également reçu des coups de genoux et de poings au niveau des hanches et des côtes, puis été pris en photo nu et menacé de mort, ainsi que sa famille, s’il révélait les événements ».

Le collectif s’inquiète d’un « espace civique [...] de plus en plus mis à mal, notamment lors de tensions sociopolitiques », et indique avoir comptabilisé, depuis 2016, au moins 864 arrestations, 12 manifestations « interdites ou réprimées » et « 34 jours de coupure internet ». « Il est, dans un tel contexte, à craindre que les prochaines échéances électorales d’août 2023 soient le nouveau théâtre de violences et de violations des droits humains ».

1Le Parti démocratique gabonais a été fondé par Omar Bongo en 1967. Parti unique jusqu’en 1990, le PDG, qui a désigné Ali Bongo comme candidat en 2009, 2016 et 2023, domine toutes les élections depuis sa création.

2L’électeur doit choisir un candidat parmi plusieurs. Celui qui recueille le plus de voix (majorité relative) remporte les élections.

3Le candidat à la présidentielle et les députés qui lui sont affiliés seront sur un même bulletin, les électeurs ne voteront qu’une fois pour ces deux scrutins.

4Candidat unique de l’opposition en 2016, il a appelé au boycott des élections de 2023.

5En 2016, la participation fut de 59,46 % (voir le compte twitter officiel du ministère de l’Intérieur.), contre 44,29 % en 2009.

6En 2009, des manifestations contre l’élection d’Ali Bongo provoquent entre trois et quinze morts (voir « Gabon. Élection contestée d’Ali Bongo à la présidence », universalis.fr) ; en 2016, le bilan officiel est de trois morts, entre dix et cinquante selon le Collectif des familles de disparus