La lettre hebdomadaire #198

Ghana-USA. Le deal de la honte

Cette image est une toile abstraite riche en couleurs et en textures. Elle présente des stries verticales et horizontales qui se chevauchent, créant un effet de profondeur. Les couleurs dominantes sont des nuances de bleu, d'or, de vert et de rouge, qui s'entremêlent de manière dynamique. Les coups de pinceau sont visibles et donnent une impression de mouvement, évoquant une sensation de paysage naturel ou de ciel en mouvement. La juxtaposition des couleurs vives et des textures variées invite à une réflexion sur la lumière et l'ombre, offrant une expérience visuelle complexe et captivante.
Richard Nyarko, Abstact Forest Vibrant Escape.
© Richard Nyarko

DANS L’ACTU

GHANA-USA. LE DEAL DE LA HONTE

Des avocats du Ghana, du Soudan du Sud, du royaume d’Eswatini (ex-Swaziland) et des États-Unis coordonnent une action régionale auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union africaine – en plus de la procédure déjà engagée devant la Cour suprême du Ghana – dans l’affaire de onze hommes expulsés illégalement des États-Unis et expédiés en Afrique contre leur gré. Les avocats ghanéens des onze hommes ont établi qu’ils faisaient tous l’objet d’une décision de justice états-unienne interdisant leur expulsion.

Deux vols en provenance des États-Unis, les 6 et 19 septembre, ont chacun conduit à Accra 14 Africains ressortissants d’Afrique de l’Ouest, tous (sauf un) non Ghanéens. Les situations de 11 passagers du premier vol1 ont révélé une violation de la Constitution ghanéenne puisque le gouvernement a contourné le Parlement pour faire droit à la demande états-unienne, selon l’avocat principal chargé du dossier, Me Oliver Barker-Vormawor, ce qui motive l’action imminente devant la Cour suprême. En effet, la haute juridiction a estimé, dans un arrêt rendu en 2017 au sujet des prisonniers de Guantánamo, que tout accord avec un pays étranger, y compris dans le domaine de l’accueil de ressortissants étrangers, devait être approuvé par le Parlement.

Deux audiences – une demande d’habeas corpus et une action en référé contre l’expulsion des 11 hommes – se sont tenues à Accra les 17 et 18 septembre, mais le juge a ajourné l’affaire. Et les concernés ont été secrètement renvoyés hors du Ghana.

Lorsque la nouvelle a été rendue publique, le narratif du président John Mahama présentant l’arrivée secrète de ces personnes comme une mesure humanitaire est devenue embarrassant : les médias locaux ont en effet révélé que les Africains expulsés avaient été conduits par des fonctionnaires ghanéens à la frontière avec le Togo et qu’on leur avait dit de courir pour échapper à la police des frontières togolaise. Deux d’entre eux sont togolais et se cachent désormais au Togo, tandis que les neuf autres sont hébergés dans des hôtels, sans papiers ni moyens de subsistance.

Les droits juridiques et humains de ces hommes ont été bafoués de manière flagrante par deux gouvernements, comme c’est également le cas pour ceux qui ont été expulsés précédemment vers le Soudan du Sud (via Djibouti) et l’Eswatini, bien que le statut de ces hommes aux États-Unis ne soit pas nécessairement le même que celui des onze premiers expulsés du Ghana.

Cette affaire illustre la totale incapacité du Ghana à tenir tête aux exigences de l’administration Trump. Les États-Unis ont imposé des droits de douane de 15 % sur les importations en provenance du Ghana, en lieu et place du statut préférentiel d’exonération antérieur prévu par l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), et le pays a été inscrit sur la liste noire des aides financières après le défaut de paiement de sa dette souveraine. Washington a ensuite placé le Ghana sur une liste de surveillance de trente-six pays susceptibles de faire l’objet de restrictions de visas.

En juin, Washington a imposé une validité des visas limitée à trois mois et à une seule entrée. Les entreprises ghanéennes et d’autres secteurs de la société ont été gravement affectés, et les États-Unis ont menacé de suspendre complètement les visas. Le gouvernement d’Accra a alors cédé, et, en septembre, les deux vols transportant des étrangers en provenance des États-Unis sont arrivés. Le ministre des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Ablakwa, a ensuite annoncé que les restrictions états-uniennes en matière de visas étaient levées.

Les avocats n’ont pas encore pu entrer en contact avec les 14 hommes qui se trouvaient à bord du second vol, le 19 septembre. Mais ces initiatives des professionnels du droit et des acteurs de la société civile en faveur de personnes sans défense traitées comme des rebuts humains sont encourageantes, dans la saga de cruauté et d’incompétence gouvernementale conduite à partir de Washington et malheureusement relayée ici en Afrique, qu’il faut dénoncer avec force.
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FLOTTILLE GLOBAL SUMUD. JOURNAL DE BORD

L’INTERCEPTION

Partie de Tunis le 21 septembre avec d’autres au sein de la flottille Global Sumud en direction de Gaza, de retour en Afrique du Sud le 8 octobre après plusieurs jours de détention à Ashdod, l’écrivaine et activiste Zukiswa Wanner nous a fait parvenir le récit de l’arraisonnement de son bateau par les forces armées israéliennes le 1er octobre, dans les eaux internationales.

Pour lire son dernier récit, cliquer ici.


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IN ENGLISH

LOGBOOK OF THE GLOBAL SUMUD FLEET
On the way to Gaza. The chronicles of Zukiswa Wanner
The South-African writer and activist Zukiswa Wanner publishes in Afrique XXI her logbook from the Global Sumud Floatilla sailing to Gaza. Her boat, which name must not be revealed before the end of the mission, set sail from Tunis on Wednesday. It was intercepted October the 1st in the international waters. Also available story 1, 2, 3, 4, 5, 6 and 7.

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1Le 12e, Ghanéen, est resté sur place, les 13e et 14e ont quitté le pays par leurs propres moyens.

2Le 12e, Ghanéen, est resté sur place, les 13e et 14e ont quitté le pays par leurs propres moyens.