![L'image montre un morceau de verre brisé, dont les nombreux éclats forment des motifs irréguliers. On peut ressentir la fragilité et la netteté des bords du verre. La lumière semble traverser certains éclats, créant des jeux d'ombre et de lumière. L'arrière-plan est flou, évoquant une ambiance sombre et mystérieuse. Cette composition souligne la beauté inattendue du verre cassé, tout en évoquant une sensation de vulnérabilité.](local/cache-gd2/1b/ed1e532069a7b2781212379ccd739b.jpg)
ÉDITO
MACRON EST EN DÉCALAGE PROFOND AVEC LES OPINIONS AFRICAINES
Depuis quelques années, la France fait figure de bouc émissaire des « crises » qui agitent certains États sahélo-sahariens dont les dirigeants – avec une acuité particulière depuis la cascade de renversements de régimes – l’accusent de tous les maux. Le président français, Emmanuel Macron, semble résolu, désormais, à ne rien céder sur le terrain de la « bouc-émissarisation ». Ce lundi 6 janvier, évoquant l’intervention militaire française au Sahel lors de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs, le locataire de l’Élysée s’en est pris à « l’ingratitude » des dirigeants des pays où les troupes françaises ont fini par être chassées. « Je crois qu’on a oublié de nous dire merci ; c’est pas grave ; ça viendra avec le temps […]. Aucun ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région », a asséné Emmanuel Macron, brut de décoffrage, dans un discours aux allures de sermon (« on avait raison » [d’intervenir], les autres ont tort d’avoir demandé notre départ).
Comme dirait un personnage de Truman Capote, « tout le monde est cinglé à la fin » de cette histoire d’amour que le président français appelait de ses vœux et dont l’issue lui est restée sur le cœur. Sa réaction explosive, hors de toute proportion, loin de la retenue diplomatique que lui impose pourtant sa fonction, est, certes, à mettre sous le coup de l’émotion. Mais elle traduit aussi la fâcheuse coutume des dirigeants français de céder au mépris et au désir de blesser lorsqu’ils s’expriment sur l’Afrique ou sur une région du continent, avec un topo hérissé de paternalisme, en décalage profond avec une opinion publique africaine francophone de moins en moins complexée. Cette condescendance amplifie le rejet de la présence militaire française et nourrit le « panafricanisme de bon aloi » porté par ceux qu’Emmanuel Macron qualifie de « faux intellectuels » au service de la Russie.
Au Mali, des responsables politiques conservent très présent à l’esprit le « nous serons intraitables là-dessus [sur les élections à la fin du mois de juillet 2013] », pas si lointain, de François Hollande. Les souvenirs du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy ne se sont pas éteints comme les braises du feu au petit matin. Pas plus que la venue d’Emmanuel Macron à Gao, sur la piste de la base de l’opération Barkhane, en 2017, juste après son élection, sans même passer par Bamako – obligeant son homologue Ibrahim Boubacar Keïta à le rejoindre. Pourtant, le président français n’a cessé de prétendre qu’il serait l’homme de la rupture dans les relations avec le continent africain, allant jusqu’à annoncer la fin de la « Françafrique ». Las ! Cette promesse s’est peu traduite dans les faits, et la tension avec le Sahel a déstabilisé encore davantage le prestige de la France.
Mais, plus que tout, son discours révèle sa difficulté à prendre du recul sur les interventions de la France, inscrites dans une priorité militaire que certaines voix au Mali et ailleurs jugent inefficaces. En 2017, les appels à explorer la voie du dialogue avec les djihadistes maliens, à l’issue de la Conférence d’entente nationale, avaient buté sur une fin de non-recevoir de la part de certains partenaires, la France en tête. Cette séquence est mobilisée aujourd’hui dans la rhétorique de certains responsables militaires et politiques du pays comme la preuve de la tutelle extérieure qui s’exerçait sur des dirigeants privés de leur autonomie de décision. La séparation était, dès lors, la seule issue à envisager dans une région où la France a échoué à expliciter les raisons profondes de sa présence. Ce manque de clarté sur son positionnement a nourri l’accusation de « néocolonialisme permanent » et des thèses complotistes au sein de populations pour qui les mobiles de la présence française étaient insaisissables en l’absence d’amélioration du climat sécuritaire. Il s’agit moins d’un complot français que d’un enjeu régional.
Certains dirigeants sahéliens élus et soutenues par la France ont préféré se contenter d’exercer un médiocre leadership intellectuel, de répondre à des questions politiques par des artifices et de toujours ramener les problèmes à des enjeux d’argent, poursuivant ainsi une politique de dépendance. Résultat : les armées renforcées ont fini par renverser les dirigeants démocratiquement élus. La suite est connue : changement d’alliance en faveur de la Russie, ambition affichée de « restauration » de la souveraineté nationale par des dirigeants militaires, disparition de l’armée française, comme sort de scène le personnage d’une pièce de théâtre dont le rôle est terminé.
Désormais seuls aux commandes avec leurs nouveaux partenaires, les régimes militaires au pouvoir marchent pourtant dans les pas du dispositif militaire français en priorisant l’outil militaire face à l’enhardissement des djihadistes, sans perspective, pour le moment, de négociation de paix. Même s’il apparaît, de plus en plus, qu’il n’y aura pas de victoire claire dans cette guerre contre l’escalade djihadiste.
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DANS L’ACTU
JEAN-MARIE LE PEN N’AIMAIT NI L’AFRIQUE NI LES AFRICAINES
Le 7 janvier, les réactions provoquées par le décès du leader de l’extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, sont à l’image de l’état de la France – et peut-être du monde. D’un côté, de jeunes manifestantFN, devenu Rassemblement national, RN) ; de l’autre, des commentateurs médiatiques de tous horizons font la nécrologie de l’ancien tortionnaire de la guerre d’Algérie, condamné à de multiples reprises pour avoir tenu des propos racistes, antisémites ou encore négationnistes, comme s’il était une « figure majeure de la Ve république » (sic) comme une autre. Ces mêmes commentateurs ont été incapables de relever la bévue intentionnelle du Premier ministre, François Bayrou, qui a qualifié les propos infamants de Le Pen d’un sobre « polémiques ». La réécriture de l’Histoire commence avec ce genre d’arrangements.
es habité es par des revendications diverses (de l’antiracisme à la mémoire de la guerre d’Algérie, en passant par la dénonciation de l’extrême-droitisation de la politique française et du génocide en cours à Gaza...) fêtent la disparition, à 96 ans, du fondateur du Front national (Un hiatus béant s’est creusé entre celles et ceux dont la parole est constamment sollicitée et médiatisée (et propulsée par les algorithmes d’Elon Musk et de Mark Zuckerberg) et les autres, c’est-à-dire la moitié du pays, au bas mot. Celle qui tient la digue, génération après génération, depuis au moins quatre décennies (« la jeunesse emmerde le Front national », chantait en 1987 le groupe de punk iconique Bérurier noir, alors que le FN avait fait son entrée au Parlement un an plus tôt avec « seulement » 9 % des votes), est chaque jour piétinée par celles et ceux porté es au pouvoir grâce au « barrage » contre l’extrême droite. Celles et ceux qui ont fêté la disparition de Le Pen sont méprisé es par celles et ceux qui se réclament d’un « arc républicain » – cette ligne Maginot imaginaire tracée par une bourgeoisie réac pour qui « mieux vaut Hitler que le Front populaire ».
Une chose est sûre, Le Pen n’était pas un humaniste. Il n’avait rien de respectable. Les thèses qu’ils défendaient sont toujours nauséabondes, quand bien même aujourd’hui relayées sans ciller par une grande partie de la classe politique – et certains médias complaisants ou journalistes collabos.
Un internaute pense ainsi savoir que « Jean-Marie Le Pen voulait l’émancipation totale de l’Afrique ». Alors, pour les Africain
es qui seraient tenté es de lui rendre hommage, parce que ses positions nationalistes (comme la « préférence nationale »...) et sur la souveraineté monétaire feraient écho à leurs propres combats, il est utile de rappeler l’idéologie Le Pen.Celui qui a commencé par être l’éditeur de disques de chansons nazies était un partisan de la colonisation et croyait en l’inégalité des races : il a combattu en Indochine, pratiqué volontairement la torture durant la guerre d’Algérie et s’est opposé aux indépendances avant de devenir un nostalgique de l’Empire. Puis il a monté son parti politique grâce aux réseaux de l’organisation néofasciste Ordre nouveau, dont des membres grenouillaient dans les barbouzeries de la Françafrique des années 1960, comme au Katanga, au Cabinda ou aux Comores. La souveraineté et le bien-être des Africain es étaient le cadet de ses soucis. Le Pen était pro-apartheid. Peu s’en souviennent, mais, en 1990, s’exprimant sur la libération de Nelson Mandela, il affirme se méfier « des terroristes ».
Le Pen critiquait la Françafrique mais n’a cessé de vouloir en profiter : en 1987, il rencontre deux des piliers de ce système, Omar Bongo Ondimba et Félix Houphouët-Boigny. En 2016, il passe une semaine en Guinée équatoriale, aux frais du dictateur Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Quelques fins observateurs ne sont pas dupes : la recherche de financements motivait largement ces voyages, à l’instar des autres hommes et femmes politiques français
es féru es de rencontres avec des potentats africains.En France, Jean-Marie Le Pen n’a cessé de traiter les exilé
es africain es avec mépris et haine. Il avait une solution pour régler « l’immigration » : « Monseigneur Ebola pourrait régler ça en trois mois. » Sordide.Malgré les apparences, Marine Le Pen n’est pas si éloignée de son père : n’a-t-elle pas qualifié d’humiliant pour les Français le fait d’avoir choisi Aya Nakamura pour chanter à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques ?
Non, ni Jean-Marie Le Pen, ni sa fille Marine, ni leurs sbires, ni même quiconque glisse un bulletin de vote pour le FN/RN ou adhère à son programme n’aiment les Africain es. Au pouvoir, le FN/RN accentuera la chasse aux Africain es en France et perpétuera le système de domination, de clientélisme et de prédation mis en place pendant la colonisation.
Ce 7 janvier, ce sont les Africain
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