La lettre hebdomadaire #157

Indépendant

L'image montre deux poignets menottés, levés vers le haut. Les mains sont fermées en poings, ce qui évoque une certaine résistance ou détermination. Les menottes sont métalliques et brillantes, reliées par une chaîne. L'arrière-plan est blanc, mettant en avant les poignets et les menottes. Cette scène peut transmettre des sentiments de contrainte ou d'oppression.

ÉDITO

POURQUOI FAIRE UN DON À AFRIQUE XXI ?

Afrique XXI a besoin de vous pour vivre : nos reportages, nos enquêtes, nos analyses coûtent de l’argent (rémunération des auteures, fonctionnement du journal...). Afin de continuer à vous informer, nous ne pouvons compter que sur votre soutien, sous la forme d’un don unique ou, mieux, sous la forme d’un petit don mensuel, ce qui nous permet d’avoir de la visibilité. Il s’agit d’un « abonnement » en quelque sorte, comme vous le souscririez pour n’importe quel autre journal payant, mais « à prix libre » et sans engagement. Ces dons sont défiscalisables à hauteur de 66 % si vous payez vos impôts en France.

Il nous manque 2 000 € pour atteindre notre objectif de 30 000 € d’ici le 31 décembre.

FAIRE UN DON

Comment est financée l’information ?

➞ soit l’information est financée par des milliardaires et/ou par la publicité (ce qui revient à peu près au même), et peut de fait être influencée et instrumentalisée pour orienter les lectrices et les lecteurs, comme on le voit aujourd’hui avec Vincent Bolloré (Cnews, Le JDD, Europe 1…), ou Bernard Arnaud (Le Parisien, Les Echos…), etc. ;

➞ soit le public paye pour obtenir une information fiable et indépendante et le journal doit lui rendre des comptes.

Afrique XXI n’est financé par aucun milliardaire et refuse la publicité. Seuls les dons du public nous permettent de fonctionner et de vous informer.

FAIRE UN DON

La presse indépendante est essentielle pour le bon fonctionnement de la démocratie et elle peut faire bouger les lignes. Notre journal « frère » Orient XXI l’a prouvé cette année : alors que nombre de journaux français passent sous silence – voire nient, pour certains – le génocide des Gazaouis, pilonnés sans interruption depuis plus d’un an par Israël, leur correspondant, Rami Abou Jamous, bloqué à Gaza avec sa famille, a été honoré par le Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre pour son « Journal de bord de Gaza », donnant une visibilité importante au sujet. Il vient de sortir un livre dans la collection d’Orient XXI, aux éditions Libertalia.

Avec votre soutien, la presse indépendante peut contrecarrer les fausses informations qui tuent nos démocraties et plongent le public dans le brouillard. La vérité n’est ni une opinion, ni une croyance, elle s’appuie sur des faits vérifiés et recoupés.

Toute l’équipe du comité éditorial vous remercie et vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

DANS L’ACTU

MAYOTTE, UNE CATASTROPHE ET DES QUESTIONS DE FOND

L’île de Mayotte a été ravagée par le cyclone Chido le 14 décembre. Les dégâts matériels sont considérables : des quartiers entiers, les plus fragiles, constitués de maisons faites de tôle et de bouts de bois et habités par les populations les plus précaires, ont été rasés par les rafales de vent ; de très nombreux bâtiments en dur ont vu leur toit arraché, des établissements scolaires notamment ; et les réseaux d’eau, d’électricité et de téléphonie ont été en grande partie coupés. Quant au bilan humain, il restait très incertain six jours après la tempête. Officiellement, les autorités avaient recensé 31 mortes et un millier de blessées. Mais plusieurs sources, y compris le préfet de l’île, évoquaient « des centaines », voire « des milliers » de victimes.

Le président français s’est rendu sur place le 19 décembre. Mais l’accueil qui lui a été réservé n’a pas été celui attendu. Il a été hué par une foule exaspérée. Et pour cause : cinq jours après la catastrophe, les gens, dans les quartiers ravagés notamment, n’avaient toujours pas vu un seul secouriste ni une seule autorité, et hormis en quelques endroits « privilégiés », il n’y avait eu aucune distribution ni d’eau ni de nourriture. Mais à la colère des sinistrées, Emmanuel Macron, qui avait une fois de plus revêtu son costume d’OSS 117, a répondu par sa morgue légendaire : « Vous êtes contents d’être en France ! Si c’était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde ! »

En écho à cette saillie méprisante, les plateaux de télévision et les studios de radio situés à 8 000 km de là, à Paris, regorgent d’« expertes » qui répètent que : « Mayotte, c’est la France ! » Dire cela, c’est adopter un point de vue uniquement franco-français, et ignorer qu’une grande partie de la communauté internationale (l’Union africaine et l’ONU notamment) ne reconnaît pas la souveraineté française sur cette île, et estime qu’elle devrait être rattachée à l’Union des Comores.

Ce conflit territorial est le fruit d’une histoire très particulière à laquelle Afrique XXI a consacré plusieurs articles : c’est le résultat tout autant d’un processus unique de colonisation consentie que d’un lobbying intense, en France, de l’extrême droite, et que du choix d’une classe politique bercée aux rêves d’Empire. Or la décision de démanteler l’archipel en 1975, puis de faire de ce territoire un département français en 2011, un « fait social total » selon le sociologue Nicolas Roinsard, a eu des conséquences désastreuses : pour couper le cordon avec le reste de l’archipel, un mur symbolique a été érigé entre Mayotte et les îles voisines ; des familles ont été disloquées au nom de la lutte contre l’immigration dite « clandestine » et sur fond de très nombreux discours xénophobes – contre les Comoriennes des autres îles et depuis quelques temps contre les Africaines venues de la région des Grands lacs afin de demander l’asile. Des dizaines de milliers de personnes ont été « clandestinisées » par l’État français, quand une petite minorité (locale ou expatriée) bénéficiait des investissements liés à la départementalisation.

Du point de vue français, Mayotte est le territoire le plus pauvre et le plus inégalitaire du pays. Il est soumis à de nombreuses crises – la catastrophe du cyclone Chido est intervenue un an seulement après une terrible pénurie d’eau – qui alimentent un sentiment d’abandon et aboutit à une véritable détresse mentale. Mais du point de vue de la région dans laquelle se trouve l’île, elle est devenue au fil du temps un îlot de prospérité : le PIB par habitant de Mayotte est 8 fois supérieur à celui de l’Union des Comores, et 23 fois supérieur à celui de Madagascar. Un grand écart qui rend difficile, si ce n’est impossible, la gouvernance de cette île.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

À LIRE

ÉDOUARD PHILIPPE ET LAMOIRE COLONIALE DU HAVRE

Deuxième port négrier de France derrière Bordeaux, Le Havre, dont le maire est Édouard Philippe, l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, a-t-elle un problème avec son passé, qu’il s’agisse de la traite transatlantique ou de la colonisation ? Dans Le Guide du Havre colonial et de Sainte-Adresse, les éditions Syllepse entendent mettre en lumière ce passé mis sous le tapis « car l’histoire coloniale ne peut se résumer à celle écrite par les vainqueurs ». Il paraît dans leur collection « Guides », consacrée au passé colonial et esclavagiste de plusieurs villes françaises.

Depuis des années, militantes et associations demandent à ce que soient débaptisées certaines rues portant le nom de d’esclavagistes ou de « conquérants » de l’empire colonial. En 2020, l’essayiste et président de l’association internationale Mémoires & Partages, Karfa Sira Diallo, interpellait l’édile du Havre : « Depuis 2010, vous présidez aux destinées de la capitale normande sans aucunement prendre sérieusement en compte la mémoire d’un crime contre l’humanité [la traite négrière, NDLR] qui a fait une partie de la prospérité de votre ville », écrit-il, tout en rappelant que « 5 rues honorent encore dans la ville les notables qui ont participé à ce crime contre l’humanité : rue Masurier, rue Begouen, rue Boulongne, rue Eyrier, rue Massieu. »

Depuis le début des années 2000, la ville a fait quelques efforts sur la question esclavagiste, comme la plupart des anciens ports négriers français – bien qu’à retardement par rapport à d’autres, comme La Rochelle. En revanche, « il est encore une présence discrète de son passé colonial », écrit Eric Saunier dans le guide. Le chercheur à l’Université du Havre-Normandie rappelle qu’il a fallu attendre le printemps 2024 pour voir apparaître des plaques explicatives sur le passé négrier du Havre. En 2025, la présence de ce passé fera enfin son apparition dans les musées de la ville…

« La présence de [la] colonisation doit aussi être rendue visible », estime Eric Saunier. « Restituer la mémoire de ce passé colonial plus récent est assurément le défi à relever pour une ville dont on rappellera qu’elle vit naître le général Archinard, qui fût l’un des artisans de l’extension de l’empire colonial français en Afrique », conclut-il.

Le Guide du Havre colonial et de Sainte-Adresse, éditions Syllepse, décembre 2024, 292 pages, 12 €.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

LES ARTICLES DE LA SEMAINE

Mali. À Faladiè, « rentrer, c’est mourir, rester, c’est survivre »
Témoignages Le 17 septembre 2024, le quartier de Faladiè, en plein cœur de Bamako, s’est réveillé au bruit des armes lourdes : l’école de gendarmerie a été la cible d’une attaque djihadiste. Trois mois après, les habitants vivent dans la psychose, et tout particulièrement les personnes déplacées, qui craignent les amalgames.
Par Aly Diabaté

Éthiopie. « Les gardes ne nous traitaient pas comme des êtres humains »
Enquête Plusieurs milliers de soldats de l’armée fédérale éthiopienne ont été emprisonnés pendant la guerre du Tigray, au seul prétexte qu’ils étaient originaires de cette région. Ceux qui ont été libérés témoignent auprès d’Afrique XXI des exactions subies dans les camps où ils étaient détenus arbitrairement.
Par Augustine Passilly

Il y a 50 ans, la dislocation des Comores « île par île »
Histoire Le 22 décembre 1974, les Comoriennes sont appelées à se prononcer sur leur avenir au sein ou hors de la République française. La quasi-totalité optent pour l’indépendance, mais à Mayotte, c’est le « non » qui l’emporte. Contrairement aux promesses de l’exécutif, la France décide de prendre en compte les résultats île par île et non dans leur globalité, et acte ainsi la dislocation de l’archipel.
Par Rémi Carayol

Cour pénale internationale, une justice pour tous ?
Podcast Pour ce 7e numéro, nous nous intéressons à la Cour pénale internationale. Un mandat d’arrêt a été délivré le 21 novembre contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et son ancien ministre de la défense Yoav Gallant. Alors que certains pays ont annoncé qu’ils ne l’appliqueraient pas, à quoi sert la CPI ? Cette institution du droit international est-elle une justice pour tous ? Pour en parler, nous recevons la professeure de droit à Paris-Sud Rafaëlle Maison.
Par Sarra Grira et Michael Pauron

In English

Ethiopia. ‘The guards didn’t treat us like human beings’
Testimonies Several thousand soldiers from the Ethiopian Federal Army were imprisoned during the Tigray War, solely on the grounds that they were from that region. Those who have been released are testifying to Afrique XXI about the abuses they suffered in the camps where they were arbitrarily detained.
Par Augustine Passilly

Vous aimez notre travail ? Association à but non lucratif, Afrique XXI est un journal indépendant, en accès libre et sans publicité. Seul son lectorat lui permet d’exister. L’information de qualité a un coût, soutenez-nous (dons défiscalisables) :

FAIRE UN DON