Depuis plusieurs années, que cela soit sous l’appellation de « Brics », « Sud global » ou tout simplement « Sud », une communauté hétéroclite est en train de se former. Elle est composée d’États-nations qui cherchent à s’affranchir de la tutelle occidentale. Cela a débuté par un rapprochement entre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. D’où l’acronyme Brics. Depuis le 1er janvier 2024, d’autres pays se sont joints au groupe : l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. Jusqu’où cette collaboration peut-elle aller ? Impossible de le savoir ! Ces pays n’ont pratiquement rien en commun, sinon leur volonté d’émancipation économique.
Ce projet rappelle beaucoup une initiative qui date de la seconde moitié du XXe siècle, à une époque où l’on ne parlait pas encore de Brics ou de Sud global mais de tiers-monde. En 1955, la conférence de Bandung, en Indonésie, avait ainsi réuni vingt-neuf de ces nations nouvelles, toutes issues de la décolonisation, qui entendaient lutter contre la pauvreté en s’entraidant et en faisant éventuellement bloc contre les grandes puissances. Là encore, les divergences étaient telles que l’entreprise fit long feu. On se devait néanmoins de rappeler ce contexte éminemment politique pour comprendre l’importance du combat de championnat du monde de boxe entre Mohamed Ali et George Foreman en 1974.
L’ambition de Mobutu
Le déménagement en Afrique d’une compétition qui, selon toute logique, aurait dû se dérouler sur le sol américain, voire en Europe, constituait en effet un symbole très fort d’émancipation pour les pays qu’on disait « sous-développés » à l’époque, même si ce terme était réfuté par leurs dirigeants, comme Joseph-Désiré Mobutu, qui préférait parler de pays « sous-équipés ». Le président du Zaïre ambitionnait d’incarner cette mouvance sur la scène internationale. À l’intérieur, il avait aussi lancé son grand projet de « zaïrification » de la société.
Trois ans plus tôt, il avait rebaptisé l’ancien Congo en Zaïre, ce qui devenait aussi le nom de son fleuve principal, de sa monnaie et - c’est plus étrange ! - d’une société pétrolière, d’un producteur de cigarettes et même d’une marque de préservatifs. Dans l’œuvre de Voltaire, Zaïre est le nom de la belle captive que refuse de libérer le sultan Orosmane au temps des croisades. Ce n’est toutefois pas cette pièce en alexandrins qui semble avoir inspiré l’homme fort du régime, mais un mot de la langue bantoue, « nzere », qui signifie « fleuve ». Ironie du sort, Mobutu, présenté comme un parangon d’indépendantisme, avait lui-même été mis sur le trône par les Américains et, pendant ses trente-deux années de règne, il s’est rendu coupable d’un très grand nombre de crimes qui font de lui l’un des dictateurs les plus tenaces de l’histoire de l’humanité.
Nous sommes donc au milieu des années 1970. Mobutu s’est mis en tête de reformater le pays selon ses désirs. Lui-même a changé de nom pour montrer l’exemple. Il veut désormais qu’on l’appelle « Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga » ce qui, en langue lingala, signifie : « Mobutu le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne puisse l’arrêter et qui ne laisse derrière lui rien que le feu ». En toute simplicité.
Association de malfaiteurs
La mégalomanie de Mobutu fut un facteur déterminant dans l’organisation du combat entre Ali et Foreman sur le sol africain. Encore fallait-il qu’elle soit bien exploitée par un autre acteur clé dans la genèse du projet. Il s’agit d’un roué et sulfureux manager américain débutant qui, vingt ans plus tôt, avait purgé une peine de quatre années de prison à Cleveland pour s’être rendu coupable d’homicide dans un combat de rue. Son nom ? Donald King, auquel on préfère classiquement la forme abrégée « Don King ».
Ses biographes disent de lui qu’il a mis à profit le temps passé derrière les barreaux pour se plonger dans les écrits de Freud, Nietzsche, Sartre ou encore Kant. On prendra l’info avec des pincettes tant l’homme est habile à brouiller les cartes. Dans un portait que lui consacre le célèbre journaliste George Plimpton, on dit aussi qu’il déclame du Shakespeare et cite volontiers Karl Marx en pleine négociation de contrats, précisant au passage qu’il apprécie beaucoup les théories de ce « cold motherfucker » (« enfoiré »).
Don King est donc un personnage haut en couleur qui s’arrange pour entrer en contact avec les deux meilleurs boxeurs du moment, Mohamed Ali et George Foreman, auxquels il propose de livrer le combat le plus lucratif de tous les temps. Comment fait-il ? Cela reste assez mystérieux. À l’époque, ce n’est encore qu’un propriétaire de boîte de nuit. Il ne présente aucune garantie de sérieux pour l’organisation d’un tel événement. Ses seuls atouts sont d’être noir et d’avoir la tchatche ! Aux deux boxeurs, il promet une somme de 5 millions de dollars par tête de pipe s’ils acceptent de signer avec lui. Cinq millions de dollars ! En tenant compte de la hausse du coût de la vie, c’est comme si on offrait une bourse de 100 millions de dollars aujourd’hui.
Reste cependant un petit problème à résoudre. Don King n’a pas le premier centime des sommes promises. C’est alors qu’il a l’idée assez géniale de jouer la carte du « panafricanisme ». Dans les années 1970, ce terme désignait un courant d’opinion assez vivace dans le monde, et aux États-Unis en particulier, qui prônait l’unification des pays africains et, pour les Noirs américains, un exil sur la terre de leurs ancêtres. Par les mêmes ressorts mystérieux qui avaient permis son ascension dans le monde de la boxe, Don King parvient à entrer en contact avec Mobutu, à qui il propose d’accueillir l’événement contre monnaie sonnante et trébuchante. L’argent n’est pas un problème dans un pays qualifié par ses opposants de « kleptocratie » tant l’accaparement des richesses par quelques familles puissantes constitue la règle.
« Un roi qui retourne combattre parmi ses frères »
Mobutu n’est pas idiot. Il perçoit vite l’avantage qu’il pourra tirer en s’affichant auprès des deux sportifs les plus populaires de la planète. Cela lui permettra aussi d’effacer l’épisode traumatisant de la Coupe du monde de football de 19741. Pour des raisons parfaitement immorales, l’homme d’affaires et le président sont faits pour s’entendre. L’affaire est conclue. Mobutu apportera l’argent. Don King, les boxeurs.
La boxe est souvent synonyme de magouilles avec des adversaires qui font semblant de se haïr pour attirer les foules et des managers qui truquent les combats sans vergogne. Il faut faire entrer de l’argent. Tant pis pour la santé, pour la sincérité et pour l’éthique sportive. Or Don King est un maître lorsqu’il s’agit d’enfumer le monde. À l’approche du combat, il n’hésite pas à endosser son costume d’activiste. « On a quitté l’Afrique enchaînés et on y revient en pleine lumière », déclare-t-il en associant son sort à celui des deux champions. Mohamed Ali donne lui aussi dans la surenchère : « Il y a 400 ans, j’étais un esclave. Aujourd’hui, je suis un roi qui retourne combattre parmi ses frères. » Seul Foreman conserve un peu de retenue. Il sera aussi le plus réticent à se rendre sur place, effrayé sans doute par la réputation de la capitale. Il faut dire que Kinshasa (ex-Léopoldville) est une ville dangereuse. À la suite d’une grande opération de police, 300 présumés criminels sont arrêtés et gardés quelque temps dans le stade où doit avoir lieu le combat avant, pour certains d’entre eux tirés au sort, d’être exécutés sur place2. Cinquante morts.
Les visiteurs de passage ont l’impression de replonger dans le passé, celui du Congo belge décrit par Joseph Conrad dans son livre glaçant Au Cœur des ténèbres (Blackwood’s Magazine, 1899) et par Eric Vuillard avec son roman Congo (Actes Sud, 2012). L’oppresseur a changé. Pas les méthodes. George Foreman est donc un peu anxieux à l’heure de son premier voyage en Afrique. Il commet aussi plusieurs fautes de goût en débarquant sur place, comme celle de s’habiller toujours à l’occidentale là où Ali a changé de garde-robe pour se mettre en dashiki. Plus embêtant : Foreman a choisi d’emmener avec lui son fidèle berger allemand, Dago, ce qui lui vaut d’être tout de suite l’objet d’inimitiés. Pour les Zaïrois, cette race de chien est celle de l’occupant belge. Petit à petit, on prête ainsi à Foreman le rôle de « méchant » dans le combat à venir, alors qu’Ali, « le gentil », incarne la fierté du peuple africain.
Le « cadeau » du despote
Sur le plan sportif, les avis sont unanimes : Foreman est le grand favori de ce combat. Il sort d’une série de 40 combats, 40 victoires dont 37 remportés par KO. Depuis Sonny Liston (54 combats, 50 victoires dont 39 par KO, champion du monde de 1962 à 1964), personne n’a inspiré une telle terreur sur le ring. Un round face à lui équivaut à dix rounds contre un autre boxeur. De son côté, Mohamed Ali ambitionne de reprendre la couronne qui lui a été injustement enlevée sept ans plus tôt pour avoir refusé de servir sous les drapeaux de l’armée américaine engagée dans la guerre du Vietnam. Il n’a jamais été mis en prison, comme le veut la légende. Mais il dut tout de même attendre le 28 juin 1971 et une décision de la Cour de justice pour récupérer sa licence de boxeur au nom d’Ali. Car cela faisait déjà une demi-douzaine d’années qu’il avait abandonné son « nom d’esclave » (Cassius Clay) et s’était converti à l’islam sous l’influence d’un mouvement puissant, les Blacks Muslims, et de son meneur, Elijah Muhammad, qui revendiquait notamment que les États-Unis cèdent une partie du territoire afin de donner naissance à une « Black Nation ».
La politique s’immisce dans la boxe par tous les côtés, et lorsqu’il s’agit de faire monter la sauce on peut compter sur Don King, qui a songé à un titre ronflant pour baptiser l’événement : ce sera « The Rumble in the Jungle » (« De la baston dans la jungle »). Le match doit avoir lieu le 25 septembre, mais il est finalement reporté d’un mois. À une semaine du jour J, Foreman est coupé à l’arcade sourcilière par le coude d’un sparring-partner. C’est la première fois qu’il se blesse. Gagné par l’environnement mystique, Ali voit dans cette blessure un signal envoyé par Allah. Foreman n’est pas indestructible ! Cet intermède inattendu laisse aux deux hommes ainsi qu’à la meute de journalistes qui les accompagne de se familiariser avec les charmes du mobutisme.
Chaque soir, sur la chaîne de télévision nationale, alors que l’hymne national retentit, apparaît le visage de « Papa Maréchal » surmonté de la traditionnelle coiffe en peau de léopard qui doit susciter la crainte chez ses opposants politiques, avec lesquels il se montre effectivement sans pitié. En contrepartie, il sait aussi faire preuve de générosité. Surtout avec son armée. Pour éviter de s’exposer à un putsch, il accorde aux militaires toutes sortes de privilèges comme de grosses réductions sur l’achat de bouteilles de bière.
Mobutu contrôle aussi la presse. Quand un avion d’Air Zaïre s’écrase au sol durant l’emballage du combat, la presse nationale reçoit l’ordre de ne rien en dire. Quelques jours plus tard, la liste des victimes est publiée. Sans autre forme de commentaire. Le cynisme de ce régime frappe aussi celui qui découvre la statue géante de Patrice Lumumba dans un recoin de la capitale ainsi que le boulevard qui porte son nom, autant d’hommages que lui rend un régime pourtant complice de son assassinat3. Enfin, on trouve partout des affiches en anglais et en français qui annoncent l’imminence du face-à-face explosif Foreman-Ali : « Un cadeau du président Mobutu au peuple zaïrois ».
Un stade imprégné de l’odeur de sang
Pendant ces quatre semaines, Foreman ronge son frein et Ali en profite pour peaufiner sa forme et sa popularité. « Je me suis dit que le report du combat avait dû être également une grosse déception pour le peuple africain, peut-être que de me voir m’entraîner leur remontera le moral ! » Son camp d’entraînement est littéralement pris d’assaut : journalistes, personnalités de passage, supporters. En comparaison, celui de George Foreman ressemble à une forteresse avec des gardes armés de fusils-mitrailleurs qui, jour et nuit, en surveillent l’entrée.
Arrive enfin le jour du match, le 30 octobre 1974. Il est programmé à 3 heures du matin, heure locale, ce qui correspond à une diffusion en soirée aux États-Unis. Pas question de se passer de la manne des télévisions américaines. Soit 100 millions de dollars ! Les deux hommes découvrent un stade qui reste imprégné de la forte odeur de sang après les exécutions sommaires des semaines précédentes. Dans le camp de Mohamed Ali, on craint un peu que ce match ne prenne le chemin, lui aussi, d’une exécution. Leur champion (32 ans) rend sept années à son adversaire (25 ans). Il est moins puissant, moins vif, moins aérien. Perclus d’arthrose, il a renoncé un temps aux viandes terrestres pour ne plus manger que du poisson. Avant de laisser tomber.
Quoi qu’il fasse, les douleurs l’accompagnent désormais chaque jour de sa vie. Ses forces déclinent. Mais il garde pour lui une foi inébranlable dans son propre destin. Dans son vestiaire, alors que les siens font des mines de six pieds de long, il leur promet : « Ce soir, les gars, on va danser. » Là-dessus, il s’empare d’un magazine qui reprend les noms de tous ceux que Foreman avait étalés, souvent en moins de trois rounds. Il les énumère en ponctuant chaque ligne de la même expression : « Tocard ! »
Les minutes s’égrènent lentement jusqu’à ce qu’enfin l’appel retentisse. « Ali, sur le ring ! Ali sur le ring ! », crachote le haut-parleur. Une vingtaine de fidèles sortent avec lui du vestiaire et l’escortent vers le centre du stade. Quelques instants plus tard, c’est au tour de Foreman d’emprunter ce long tunnel. Comme pour ses précédents combats, il porte un long peignoir rouge qui lui donne des allures de bourreau, floqué dans le dos de deux lettres géantes : « GF » pour « Great Fighter » (« grand combattant »).
« Ali, boma yé ! »
L’ambiance est électrique. Il y a de l’orage dans l’air au sens littéral et littéraire. Déjà, il y a eu quelques averses dans l’après-midi. On annonce des pluies torrentielles. Tant pis. Les 62 800 places du Stade du 20-Mai ont été prises d’assaut, et, dans la foule, on s’étonne seulement de l’absence de Mobutu, qui a préféré suivre le combat dans son palace blindé. Sécurité oblige. De plus, il a cessé depuis quelques jours de trop figurer aux côtés des deux stars. Un proverbe zaïrois veut que Dieu ne s’affiche pas avec ses fils quand ceux-ci sont plus grands que lui.
Une fois sur le ring, Ali vérifie avec soin la quantité de résine au sol et l’adhérence de ses chaussures montantes. Plus bizarre, son entraîneur, Angelo Dundee, a emporté quelques outils dont il se sert pour alléger la tension de toutes les cordes. Pourquoi ? On va bientôt le savoir. Les deux hommes se rangent sous les ordres de l’arbitre, et Ali en profite pour lâcher à l’intention de son rival : « Le moment est venu d’affronter ton maître. » Gong !
Il est finalement 4 h 15 du matin à Kinshasa, 23 h 15 à New York, lorsque Ali part pied au plancher. Il agace son rival par une série de directs du droit inédits. Dans le jargon anglophone, on parle de « right hand leads », un coup difficile à réaliser car il peut vite se retourner contre son expéditeur. En l’espace de trois minutes, Foreman est touché à quinze reprises. Il n’y a pas de round d’observation. À l’appel du deuxième round, Foreman semble avoir enfin trouvé la bonne distance. Ses puissants coups au corps commencent à porter. Ils font mal. L’expression chevillée sur le visage d’Ali en dit long, comme s’il prenait conscience de l’énormité de la tâche. Certes, il est cuirassé. Mais pas au point d’endiguer de plein fouet une telle force de frappe trop longtemps. À ce tarif-là, il ne tiendra pas jusqu’au cinquième round. Rattrapé par le sens des réalités, il change de tactique. Plus question de danser ce soir. Dans les rounds suivants, on voit ainsi Ali qui cherche refuge dans les cordes préalablement détendues par Dundee.
Il se protège le visage, les gants bien serrés et les coudes solidement plaqués à l’estomac. En revanche, il cause toujours : « C’est tout ce que tu as dans le ventre, Big George ? Je suis déçu ! » À l’appel du septième round, Ali trouve assez d’énergie pour exciter la foule, qui reprend en chœur : « Ali, boma yé ! » (« Ali, tue-le ! », en lingala). Le stade est en fusion.
De l’eau jusqu’aux genoux
Cela ne change pas la tournure des événements. Ali accepte la punition corporelle et poursuit son œuvre de vexation. « Alors, tu frappes ou tu ne frappes pas ? Non, tu ne frappes pas. Tu pousses. Je ne sens que le vent de tes coups ! » La cause semble entendue. Mais pour qui, en fait ? Il se trouve que le match a été prévu en quinze reprises et, imperceptiblement, Foreman faiblit. Lui qui a l’habitude de plier le match en quelques minutes, il s’épuise ici à taper des grands coups au corps comme sur un sac de sable.
Les observateurs réalisent alors qu’il n’est pas en très grande forme physique. À moins que ce soient les conditions du match : 27 °C, 85 % d’humidité relative. Toujours est-il qu’il se déplace sur le ring comme s’il était ivre. Plus tard, il se dira certain d’avoir été empoisonné. On ne sait pas. Mais il ne semble plus disposer d’aucune force alors qu’Ali fait toujours le gros dos dans les cordes. Arrivé au summum de la frustration, Foreman en a oublié la raison de sa présence sur le ring et ne pense même plus à gagner mais à laver coûte que coûte l’affront qu’il est en train de subir.
À la fin du huitième round, Ali, dont le visage est maculé, sort soudain de sa coquille et envoie Foreman au sol à la suite d’une succession de crochets et de directs délivrés avec une lucidité et une vitesse sidérantes. Foreman ne se relève pas. L’orage peut enfin éclater. Des seaux d’eau se déversent sur le Stade du 20-Mai, et, dans les vestiaires, on a bientôt de l’eau jusqu’aux genoux. Cette fin de nuit prend des allures d’apocalypse. « Ce combat ne sera pas que le plus grand combat de tous les temps, avait prédit Ali avant la rencontre. Ce sera le plus grand événement dans l’histoire du monde. » C’était presque vrai !
Trois présidents et un aigrefin
Les relations internationales ressemblent beaucoup aux cours d’école où chaque enfant tente de persuader les autres que son papa est le plus grand, le plus beau, le plus fort. Parfois, les chefs d’État se livrent à une surenchère imbécile pour obtenir le droit d’organiser de grands événements sportifs. Le manager Don King savait comment tirer profit de leur mégalomanie et attiser les jalousies. En même temps qu’il négociait avec Mobutu pour l’organisation du combat, il proposait l’affaire au roi Fayçal d’Arabie saoudite qui aurait même été assez proche de le signer, paraît-il. Il se serait finalement rétracté, non pas pour des raisons financières, mais parce qu’il craignait que cela ne nuise aux relations avec les États-Unis suite à l’affaire du Watergate et du passage de témoin entre Richard Nixon et Gerald Ford, avec qui il n’avait aucun atome crochu. Enfin, un quatrième personnage a joué un rôle important dans cette histoire.
Son nom ne fut révélé que des années plus tard par Don King en personne lors d’une interview à la télévision. Il s’agit du « Guide de la Révolution » libyen Mouammar Kadhafi. Tout au long de son règne, celui-ci a effectivement cultivé le goût des versements occultes, que ce soit pour financer des campagnes politiques à l’étranger, des attentats terroristes ou, ici, pour l’organisation d’un combat de boxe. Kadhafi aurait ainsi été le « silent partner » chargé de débloquer des fonds pour permettre l’organisation du combat. Son but ? Faire que les autres chefs d’État soient ses affidés et créer ainsi un front anti-impérialiste qui unirait les pays arabes et africains. Un front dont il occuperait la tête, bien entendu !
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1L’équipe du Zaïre s’était qualifiée pour la phase finale en Allemagne. Le pays attendait beaucoup de la prestation de ses « Léopards ». Mais ce fut un fiasco total avec trois rencontres pour trois sévères défaites : 2-0 contre l’Écosse, 3-0 contre le Brésil et surtout 9-0 contre la Yougoslavie.
2Norman Mailer, The Fight, Little Brown and Company, 1975.
3Véritable architecte du panafricanisme, Patrice Emery Lumumba fut le Premier ministre de la République du Congo nouvellement créée, en 1960. En prenant le pouvoir par un coup d’État, Mobutu l’a d’abord assigné à résidence avant de l’interner dans un camp militaire par crainte que John Kennedy ne le fasse libérer en prenant ses fonctions à la Maison-Blanche. Plus tard, il le livrera aux autorités de la province du Katanga, où il sera torturé et assassiné. Son corps a été dissous dans l’acide. Depuis cette disparition, le 17 janvier 1961, Lumumba fait figure de héros national.