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Répétition

L'image montre un motif répétitif de carrés de couleur verte. Ces carrés sont disposés de manière régulière et forment une sorte de grille ou de treillis. La texture semble lisse, et les angles des carrés sont bien définis. L'ensemble crée une impression de profondeur et de répétition, avec une lumière qui pourrait accentuer les ombres des différents éléments. Cette composition évoque une sensation de structure et d'ordre.
© Payam/Unsplash

ÉDITO

RWANDA, FRANCE, RD CONGO... UNE HISTOIRE SANS FIN

Il y a des histoires qui se répètent et d’autres qui semblent ne jamais finir. Où classer celle révélée le 26 novembre par le quotidien français Libération ? L’enquête, menée en partenariat avec le quotidien allemand Tageszeitung et le site d’investigation roumain PressOne, s’intéresse aux barbouzes européens qui œuvrent aux côtés des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Ces dernières mènent une guerre dans l’est du pays contre le mouvement rebelle M23, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda.

On peut facilement rapprocher la présence de ces mercenaires blancs avec celle des « affreux » dans les années 1960 et 1970 (parmi lesquels un certain Bob Denard), et rappeler ainsi que l’histoire est un recommencement perpétuel. Mais celle qui nous intéresse est beaucoup moins évidente.

L’une des sociétés militaires privées présentes aux côtés des FARDC, Agemira, est dirigée par un Français, Olivier Bazin. Cet ancien gendarme est un « vieux baroudeur de la Françafrique », écrit le journal, passé en trente ans de carrière par la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, l’Angola… Ce récit d’« aventurier » est surtout très lié à la France. Selon le quotidien, il aurait côtoyé Paul Barril, l’ancien « gendarme de l’Élysée » sous François Mitterrand connu pour avoir travaillé au Rwanda avant, pendant et après le génocide des Tutsies de 1994. Ce mercenaire est soupçonné d’avoir manipulé des informations (et des preuves) sur l’attentat non élucidé du 6 avril 1994 contre l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana. Cet évènement a été le déclencheur du plan génocidaire, qui a fait près de 1 million de victimes en 100 jours. Ces manipulations ont alimenté l’enquête bâclée du juge Jean-Louis Bruguière. Le magistrat français avait tenté de prouver l’implication du Front patriotique rwandais (FPR, dirigé par l’actuel président rwandais Paul Kagame) dans cet attentat, sans y parvenir. L’affaire a été classée mais elle a durablement brouillé les relations entre Paris et Kigali.

Trente ans après ces évènements tragiques, mercenaires européens, soldats de l’armée nationale congolaise, Casques bleus, soldats sud-africains et combattants issus de divers groupes armés se retrouvent sur le front congolais pour combattre le M23, qui assure défendre les Tutsies congolaises. Dans cette coalition hétéroclite qui lui fait face se trouvent des membres des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Les FDLR ont vu officiellement le jour en 2000, six ans après la fin du génocide des Tutsies. Elles ont été formées par des génocidaires rwandais (dont des anciens militaires des Forces armées rwandaises) avec l’objectif de reprendre Kigali et de terminer « le travail » (le massacre de tous les Tutsies au Rwanda). Depuis trente ans, Kigali demande à son voisin d’intervenir, sans succès. L’armée rwandaise fait donc des incursions pour, officiellement, éradiquer une menace réfugiée à ses frontières et qui manifestement bénéficie d’une certaine bienveillance de la part de Kinshasa.

Il y a quelque chose de cocasse, ou de tragique, à retrouver une « connaissance » de Barril sur ce front congolais, du côté d’anciens génocidaires, pour lutter contre un groupe armé qui entend défendre des Tutsies, et qui est soutenu par le régime rwandais qui a mis fin au génocide en juillet 1994…

Chez Agemira, un autre personnage interpelle. Libération a interrogé un ex-militaire français, Romuald Létondot. Ce lieutenant-colonel, ancien des commandos parachutistes de Bayonne, explique les raisons de sa présence dans l’est de la RD Congo : « J’ai l’impression d’être utile, de participer à une sortie de crise. J’étais au Rwanda [lors du génocide des Tutsies, en 1994, NDLR], j’ai pris part à l’évacuation des ressortissants français. Si je peux refermer le volet de cette guerre de trente ans… »

Du 8 au 14 avril 1994, face à l’ampleur des massacres qui venaient de débuter au Rwanda, la France avait décidé d’évacuer ses ressortissantes en montant une opération militaire baptisée Amaryllis. Si l’on en croit son témoignage, Romuald Létondot faisait donc partie de cette mission. Les objectifs de l’opération, comme ceux de la suivante, l’opération militaro-humanitaire Turquoise (22 juin-21 août 1994), sont régulièrement interrogés. Les soldats français sont par exemple accusés d’avoir évacué les Françaises, mais aussi des hauts responsables rwandais (des génocidaires) au détriment d’autres Rwandais, dont les employées tutsies de la chancellerie française. De nombreux observateurs (journalistes, historiennes, chercheurs et chercheuses…) jugent que les 460 soldats d’Amaryllis, appuyés par les Casques bleus présents dans le pays à l’époque, auraient pu stopper la mécanique génocidaire et sauver des centaines de milliers de vies.

L’opération Turquoise est quant à elle accusée d’avoir facilité la fuite des génocidaires en RD Congo. Malgré l’alerte de certains responsables français (dont l’ambassadeur de France en Ouganda), la France n’a pas cherché à les arrêter et a, au minimum, fermé les yeux sur des livraisons d’armes à leur intention. Paul Barril est régulièrement mis en cause dans ces livraisons. En laissant partir en toute impunité, avec armes et bagages, des génocidaires présumés, Paris est directement responsable des évènements qui se dérouleront quelques années plus tard dans l’est du Congo : la formation des FDLR depuis les camps de réfugiés rwandais avec l’intention de renverser le nouveau pouvoir à Kigali et de terminer le massacre des Tutsies – ce qu’ils ont continué à faire dans les camps dès 1994.

Selon Olivier Bazin, « Agemira RDC n’entretient aucune collaboration avec aucun groupe armé ». Pourtant, en intervenant dans le même camp qu’eux, cette société perpétue une histoire. Celle de l’implication de la France, depuis plus de trente ans, dans la déstabilisation de cette région du monde.
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DANS L’ACTU

EN AFRIQUE, LA JUSTICE EST INEFFICACE POUR LUTTER CONTRE LE VIOL

Alors que la France est en train de refermer, non sans effroi, le dossier de « l’affaire Mazan » – du nom de cette localité française où Dominique Pélicot a, pendant dix ans, drogué sa femme, Gisèle, avant de la faire violer par au moins 49 hommes –, l’ampleur des violences sexuelles en Afrique demeure un sujet peu traité dans les médias. Selon l’ONU, 33 % des femmes en Afrique ont été victimes de violences sexuelles au cours de leur vie (50 % dans un contexte de conflit). En Afrique subsaharienne, ce chiffre atteint 44 %. Surtout, la réponse pénale est largement défaillante, selon une étude publiée le 25 novembre par Equality Now, une ONG spécialisée sur les questions de justice et de violences sexuelles.

Sur 46 pays étudiés, 25 ont des définitions juridiques qui « se sont révélées incomplètes, ambiguës ou non conformes aux normes régionales et internationales en matière de droits de l’homme », relève l’organisation. Certaines législations ne reconnaissent pas toutes les formes de viol par pénétration (anale, orale ou vaginale par l’utilisation d’une partie du corps ou d’un objet). « Ces définitions étroites permettent l’impunité, par exemple en ce qui concerne les viols commis dans le cadre d’une relation entre partenaires intimes, ou relèguent ces violations à des infractions moins graves assorties de peines moins lourdes, créant ainsi une hiérarchie des abus et envoyant un signal confus quant au droit absolu de chaque individu à disposer de son corps », souligne l’ONG.

D’autres sont tout simplement laxistes. En Guinée équatoriale, par exemple, l’article 429 du code pénal prévoit que « le viol d’une femme est puni d’une peine de réclusion mineure ». Pour Equality Now, « en raison des nombreux obstacles juridiques, procéduraux et sociétaux qui s’opposent à la prise en compte du viol, très peu d’affaires sont portées devant les tribunaux et encore moins aboutissent à une condamnation ».

L’ONG pointe par ailleurs des mythes et des stéréotypes sur le viol, des « attitudes » sociales à l’égard du sexe et du consentement qui bloquent la mise en œuvre de lois efficaces. C’est particulièrement le cas dans les viols entre conjoints : « Le viol conjugal est considéré comme une absurdité puisque les femmes sont supposées avoir accepté des relations sexuelles à perpétuité, puisqu’elles ont consenti au mariage. » Les familles ont de plus tendance à privilégier un règlement à l’amiable et mettent une pression considérable sur les victimes, « ce qui contribue à l’absence de responsabilité et à l’impunité de l’auteur de l’infraction ».
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LES ARTICLES DE LA SEMAINE

RIE. THIAROYE 1944 : UN INTERMINABLE MENSONGE D’ÉTAT

Les dernières zones d’ombre d’un massacre colonial
1/3 En décembre 1944 au Sénégal, l’armée française ouvrait le feu sur des tirailleurs africains qui réclamaient simplement leur paye. Quatre-vingts ans après, on ignore toujours le nombre des victimes, tout comme l’endroit où elles ont été enterrées. La France continue de faire obstacle à la vérité.
Par Clair Rivière

Des descendants de tirailleurs face aux « intérêts de l’Empire »
2/3 Biram Senghor a perdu son père à Thiaroye. Celui d’Yves Abibou a survécu au massacre, mais a été condamné pour mutinerie armée. Depuis le Sénégal pour l’un, la France pour l’autre, ces fils de tirailleurs demandent justice et réparation. Mais quatre-vingts ans après les faits, la France continue de botter en touche.
Par Clair Rivière

« En réclamant leur dû, c’est la mort qu’ils ont obtenue »
2/3 Depuis plusieurs années, l’historienne Armelle Mabon se bat pour faire éclater la vérité sur le massacre de Thiaroye. Dans son dernier livre, Le Massacre de Thiaroye, 1er décembre 1944. Histoire d’un mensonge d’État, elle ne se contente pas de démonter la thèse officielle, elle dénonce également la machination qui a permis à la France d’invisibiliser ce crime pendant plusieurs décennies
Par Rémi Carayol

In English

In Madagascar, “farmers have always seen the state as an oppressive system”
Interview For her new documentary film, Sitabaomba, chez les zébus francophones, currently showing in cinemas in France, Nantenaina Lova set up her camera in a village near Antananarivo, where a drama is playing out that is both highly topical in Madagascar and universal : land grabbing in the name of “development”.
By Fanny Pigeaud

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