« Nous ne sommes pas là pour le pouvoir. Nous avons un programme de douze mois dans lequel nous allons résoudre de petits problèmes logistiques dans le respect des valeurs humaines. » Après que le capitaine Ibrahim Traoré (« IB ») a annoncé par ces mots sa prise de pouvoir à Ouagadougou le 30 septembre 2022, il a été immédiatement félicité pour son action par Evgueni Prigojine (alors encore vivant), fondateur du groupe paramilitaire russe Wagner. Prigojine l’a qualifié de « fils vraiment digne et courageux de sa patrie ».
Celui qui était alors encore proche du président russe, Vladimir Poutine, a également déclaré, à cette occasion, que le règne de Traoré serait un changement bienvenu car « le peuple du Burkina Faso était auparavant sous le joug des colonialistes, qui volaient le peuple, soutenaient les bandits, et ont causé beaucoup de torts à la population locale ». Le dirigeant de Wagner n’a fourni aucune preuve pour étayer son accusation selon laquelle les anciens colonisateurs français auraient soutenu les bandes armées et les djihadistes qui sévissent dans le pays et la région depuis plusieurs décennies, mais sa déclaration positionnait sans équivoque le groupe paramilitaire russe, alors encore privé, comme une possible alternative.
Les campagnes prorusses sur les réseaux sociaux visant à ouvrir la voie à la nouvelle junte de Traoré avaient débuté des mois avant l’arrivée au pouvoir du jeune capitaine. Durant neuf mois, entre janvier et septembre 2022, des centaines de messages avaient ciblé le dirigeant de l’époque, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le qualifiant, lui et sa junte, d’alliés « lâches » de la France et les accusant de « manquer d’intérêt pour l’exploration » de nouveaux partenariats avec des alliés anticoloniaux comme la Russie. Ces mêmes campagnes vantaient simultanément le rôle prétendument positif de Wagner dans la lutte contre le banditisme et le « terrorisme » au Mali.
Une diversification « nécessaire »
En décembre 2023, devant l’Assemblée législative de transition, le nouveau Premier ministre, Apollinaire Kyelem de Tambela, a annoncé l’appui de la Russie dans le cadre d’une réorganisation de l’armée burkinabè, et notamment la création de nouveaux bataillons d’intervention rapide. La Chine et la Turquie vont également apporter leur aide, a-t-il ajouté. « Face au blocus imposé par certains États occidentaux [en réalité, les sanctions décidées par la Cedeao, notamment après le coup d’État, NDLR], la diversification était non seulement appropriée, mais nécessaire », a-t-il déclaré au Parlement.
Un plan de recrutement de 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des civils, avait déjà commencé avant la prise de pouvoir d’« IB ». Il a été instauré rapidement après le coup d’État. Les civils volontaires ont été exhortés à rejoindre les brigades pour aller combattre les djihadistes. Mais à mesure que la lutte contre les djihadistes s’est intensifiée, le respect des droits humains a été sapé. Le communiqué n° 3 de la junte en date du 30 septembre 2022, le jour même du coup d’État, déclarait déjà que « toute activité politique [était] suspendue », ainsi que « toute activité des organisations de la société civile ». Ces dernières ont rapidement signalé un nombre croissant d’arrestations, de détentions et d’enlèvements de militants.
Un an plus tard, en octobre 2023, les syndicats et des organisations de la société civile ont voulu commémorer l’anniversaire du soulèvement populaire qui avait eu lieu en octobre 2014. Les partisans de la junte sont immédiatement sortis pour menacer publiquement les initiateurs, en exhibant des machettes sur les réseaux sociaux : « Nous attendons de pied ferme ces gens. » Le nouveau gouvernement ne s’est pas opposé aux menaces, et la commémoration n’a pas eu lieu.
Au même moment, la junte a signé un accord avec la Russie pour la construction d’une centrale nucléaire afin de « couvrir les besoins énergétiques de la population », dont moins d’un quart a accès à l’électricité. Le contrat devait être suivi, selon les autorités, « du don de 25 000 tonnes de blé, d’un détachement de sécurité personnel pour le chef de la junte, le capitaine Ibrahim Traoré, et de 100 paramilitaires ».
« Les droits de l’homme sont un instrument impérialiste »
Simultanément, avec une manière inédite de répondre aux critiques, la junte a émis des avis de conscription à l’endroit d’au moins douze journalistes, militants de la société civile (des membres du Balai citoyen notamment, une organisation qui a été très active lors du soulèvement populaire ayant conduit la chute du pouvoir de Blaise Compaoré en 2014) et défenseurs des droits de l’homme, leur ordonnant de « rejoindre les volontaires » et de partir au front pour combattre les combattants djihadistes.
Alors que certains d’entre eux ont pris la route de l’exil, ou sont entrés dans la clandestinité, d’autres, comme le rapporte l’ONG Human Rights Watch, ont depuis été enlevés et envoyés au front. « Bon nombre d’entre eux ne sont toujours pas revenus, leurs familles sont sans nouvelles d’eux depuis des mois », indiquait en mai 2024 un militant des droits humains s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Lors d’une cérémonie de lever du drapeau le 6 mai 2024, dans la cour de la primature, le Premier ministre Kyelem de Tambela déclarait que « les droits de l’homme sont un instrument impérialiste ».
Le 25 mai 2024, vingt mois après que le capitaine Traoré a déclaré qu’il réglerait les problèmes logistiques rencontrés par l’armée en moins de douze mois et qu’il n’était pas intéressé par le pouvoir, le gouvernement militaire du Burkina Faso a organisé des assises nationales qui ont prolongé le règne de la junte pour cinq ans supplémentaires. Cette prolongation, a-t-on pu entendre à la télévision nationale, vise, selon la communication officielle, à « garantir un peu plus la sécurité » même si « tout va déjà presque bien ». Les djihadistes sont « verrouillés et traités avec succès », et chaque jour « l’armée monte en puissance ». Dans les présentations d’une version presque idyllique de la situation au front, on compte de nombreuses victoires, jamais de revers.
Une succession de massacres
Pendant ce temps, Moscou avance ses pions. Les Russes sont de plus en plus nombreux sur la base militaire qui leur est réservée, au nord-est de la capitale, dans la commune de Loumbila. « Il m’est difficile de donner un chiffre exact mais il n’y a pas moins de 400 à 500 hommes sur cette base », confie une source militaire. Un habitant à proximité de la RN 3 qui relie Loumbila à Ouagadougou raconte que « les véhicules militaires qui vont et viennent de la base avec à leur bord des hommes blancs en treillis sont nombreux ces derniers temps ».
Le 28 avril 2024, le porte-parole du gouvernement, Jean Emmanuel Ouedraogo, a démenti un rapport de Human Rights Watch documentant des massacres perpétrés en février par l’armée dans des villages du Nord. Selon l’organisation de défense des droits humains, les soldats auraient rassemblé et abattu 223 personnes au total, dont 56 enfants. Ouedraogo a parlé d’un rapport « sans fondement », mais un témoin de la région le confirme par téléphone :
C’était en réponse à une attaque terroriste qui avait visé l’armée et les volontaires [les VDP] de la zone. Ils ont pensé que les assaillants se retireraient vers ces villages, alors les soldats et les brigades auxiliaires ont attaqué. Des femmes, des enfants, des jeunes et des personnes âgées ont été massacrés sans sommation. Le mot d’ordre était le suivant : « Ceux qui hébergent et couvrent des terroristes sont également des terroristes et doivent être traités comme tels ».
Cette guerre totale est censée contribuer à rendre le pays plus sûr. Un professeur agrégé de droit à l’université de Ouagadougou1 aimerait y croire, mais il dit craindre d’être « contredit par le terrain ». « En 2020, je pouvais encore visiter mon village natal dans la province du Koulpelogo, mais aujourd’hui, il est quasiment impossible de s’y rendre en toute sécurité », constate-t-il. Des enquêtes ont également fait état de villages et de villes « sous blocus ».
Selon l’Institut pour l’économie et la paix (IEP), qui produit chaque année l’Indice international du terrorisme dans le monde, le Burkina Faso arrive en tête des pays les plus touchés par le « terrorisme » en 2023, avec un score de 8,57 – devant Israël (8,14), le Mali (8,00) et le Pakistan (7,92).
Plus de mendiants, plus de vols
La situation sociale est également tendue. « Le nombre de femmes et d’enfants mendiant au croisement des avenues Pascal-Zagré et France-Afrique [à Ouagadougou, NDLR], où je passe fréquemment, a pratiquement triplé ces deux dernières années, constate le responsable d’un cabinet d’études économiques habitant la capitale. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un coût de la vie extrêmement élevé, une fuite des capitaux, une émigration des hommes d’affaires, un retrait des investisseurs, un problème de liquidité dans les banques, des difficultés de paiement des salaires, une crise énergétique et une hausse du chômage. »
Le 20 mai, un vol à main armée en plein jour visant un véhicule de transport de fonds a fait deux morts, et une importante somme a été emportée par les bandits. Récemment, un point de transfert d’argent a également été cambriolé en fin d’après-midi. « Ce n’était pas loin de chez moi, raconte un jeune habitant du quartier Toîbin, qui avoue faire partie de ceux qui vivent désormais dans la peur des bandits. Aujourd’hui, à Ouagadougou, après 17 heures, il devient de plus en plus difficile de trouver un point de transfert d’argent encore ouvert. Tout le monde commence à fermer assez tôt, de peur de se faire braquer. »
Lorsqu’on les interroge sur les marchés de la ville, des commerçants de rue croient toujours que le nouveau partenariat « anticolonial » contribuera à terme à résoudre la pauvreté, l’insécurité et la délinquance. « La solution à cette crise réside dans le partenariat avec la Russie. Les régimes passés ont perdu beaucoup de temps à compter sur la France. Si nous avions été aux côtés de la Russie depuis le début, le terrorisme au Burkina Faso aurait été étouffé depuis longtemps », déclare Alassane Kiemdé, vendeur de vêtements au grand marché de Ouagadougou. D’autres commerçants estiment que la Russie a l’avantage de partager certaines valeurs culturelles africaines, notamment en ce qui concerne l’homosexualité. Ce qui n’est pas le cas avec l’Occident, pensent-ils.
Mais les hommes d’affaires de la classe moyenne ressentent, eux, les conséquences d’un État qui s’effondre sous l’effort de guerre. « Jamais de mémoire d’homme d’affaires burkinabè l’on n’a connu une telle morosité économique, déclare, visiblement désemparé, un fournisseur de l’État. Nous sommes au bord de l’asphyxie. » Selon lui, le gouvernement n’a pas payé ses factures depuis un certain temps, en grande partie parce qu’une lourde dette pèse sur le budget de l’État.
Des menaces au grand jour
Dans son Bulletin statistique de la dette publique publié en mars 2024, la Direction générale du trésor et de la comptabilité publique (DGTCP) indique que le montant total de la dette publique du Burkina Faso s’élevait à 6 946,26 milliards de FCFA (environ 11,2 milliards d’euros) fin décembre 2023, contre 6 736,52 milliards de FCFA en décembre 2022. Plusieurs fonctionnaires interrogés déclarent que même leurs salaires sont souvent versés en retard ou n’apparaissent parfois que formellement sur leurs comptes bancaires. « Nous ne pouvons pas obtenir l’argent alors qu’il est censé être là, nous devons attendre des jours », se plaint l’un d’eux.
Cependant, comme beaucoup d’autres sujets, les difficultés financières de l’État ne font pas l’objet d’un débat public transparent dans le pays. Les agents des service des impôts ont été identifiés comme étant la cause du problème et accusés de « saboter » la collecte des recettes. En mars 2024, un compte intitulé « Anonyme Élite Alpha » accusait publiquement les représentants syndicaux Zakaria Bayire et Yacouba Kientega, respectivement secrétaire général du Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID) et secrétaire général de la section SNAID de Kadiogo, de « sabotage » et de « coup d’État économique et financier ». « Nous jurons que le jour où il y aura un retard dans le paiement des salaires en raison de la baisse des recettes fiscales, nous brûlerons vifs les gens dans les rues », peut-on lire sur ce compte, où sont affichés les adresses et les contacts des deux personnes visées...
Le capitaine Ibrahim Traoré lui-même a publiquement repris cette accusation. Le 8 mars, à Tenkodogo, dans l’est du pays, il a déclaré que « ces responsables » utilisent « l’excuse de l’absence de connexion Internet » pour éviter de collecter des recettes et il les a avertis qu’« ils devaient arrêter ». Une vidéo de ces déclarations circulant sur les réseaux sociaux montre des participants, y compris des fonctionnaires, écoutant ce discours avec la peur sur leur visage. Le syndicat des fonctionnaires du fisc a nié avec véhémence cette accusation, affirmant : « Ce n’est pas nous qui sommes à l’origine de la mauvaise connexion Internet ».
Le temps des nouveaux riches
Certains déficits pourraient être en partie dus au fait que les budgets de l’État ont récemment été utilisés pour des transactions et des achats douteux. L’expert en économie précédemment mentionné observe qu’« une nouvelle classe de nouveaux riches est en train de se créer à travers les marchés publics ». « Un directeur administratif peut décider seul d’attribuer un contrat à qui il veut. Cela permet aux amis de devenir riches le plus rapidement possible », explique-t-il.
L’une des récentes transactions parvenues à la connaissance du public est l’achat de 30 pick-ups pour le ministère de la Défense, pour un montant de plus de 800 millions de FCFA. La transaction a été attribuée en octobre 2023 à la société Burkina Mines Équipement et Services SARL, dont le PDG est Zakariaou Boureima Maïga, neveu d’un militant pro-junte vivant aux États-Unis et très proche du capitaine Traoré, Ibrahim Maïga. Le non-respect du délai de livraison de trois mois a depuis lors donné lieu à des spéculations : l’entreprise est accusée de ne pas avoir la compétence requise pour remplir un tel contrat. Contacté, Zakariaou Maïga a refusé de commenter le sujet, prétextant qu’il s’agissait d’une affaire à régler devant les tribunaux.
En avril 2023, le numéro deux de la junte, le capitaine Oumarou Yabré, directeur général de l’Agence nationale des renseignements (ANR), a signé un contrat de sécurité d’une valeur de plus de 7 milliards de FCFA avec la société minière Semafo Boungou SA pour l’achat de matériel militaire destiné « à accompagner l’armée dans la sécurisation de la zone d’intervention » de ladite société. Le contrat, posté par un activiste sur les réseaux sociaux, n’a pas été démenti. La junte au pouvoir n’a pas non plus commenté les questions soulevées sur les réseaux sociaux concernant la raison de la signature d’un tel contrat par le patron de l’ANR en lieu et place du ministère de la Défense.
Le règne de l’opacité
Des soupçons d’enrichissement illicite planent également sur un accord conclu en décembre 2023 entre la junte et la société minière canadienne Iamgold Essakane. Le règlement s’inscrit dans le cadre d’une affaire de fraude d’or : l’entreprise avait tenté, en 2018, d’exporter clandestinement de l’or caché dans du charbon vers le Canada. Alors que l’affaire était encore devant les tribunaux en 2023, la junte a soudainement réglé le problème avec l’entreprise, qui s’en est sortie avec le paiement d’une amende de 9 milliards de FCFA et la confiscation de sa marchandise – une somme bien inférieure à celle que la firme risquait de payer si elle avait été reconnue coupable au terme du procès.
Plus récemment, la fermeture de la compagnie aérienne nationale Air Burkina, qui avait déclaré faillite dans un communiqué de presse le 24 mai 2024, semble avoir créé un espace pour une toute nouvelle entreprise sortie de nulle part. Kangala Air Express est dirigée par Ali Konaté, très proche du régime, chef de la confrérie des « dozos ». Cette confrérie de chasseurs traditionnels est l’un des principaux pourvoyeurs des Volontaires pour la défense de la patrie.
Tout comme les contrats, les nominations de nouveaux fonctionnaires à des hauts postes de l’État se font de plus en plus souvent sans appel à candidature et à la discrétion de la junte. Ce fut le cas notamment de la Centrale d’achat de médicaments essentiels et génériques (Cameg), du Bureau des mines et de la géologie ou encore de l’Agence des travaux d’infrastructures du Burkina Faso. Ces trois agences d’État ont désormais des dirigeants dont les compétences n’ont pas été testées par un processus de candidature transparent. Dans leur déclaration publiée à l’occasion du 1er mai 2024, les syndicats des travailleurs ont notamment déploré « un abus dans l’octroi des marchés gré à gré, [et] des nominations qui ignorent désormais le principe d’appel à candidature pour la désignation des directeurs généraux et autres présidents d’institutions ».
« Trop risqué » de parler
En juin 2024, il est de plus en plus difficile de trouver des personnes qui osent s’exprimer sur l’armée, la junte, l’économie, la sécurité ou tout autre problème du pays, même de manière anonyme. Les médias critiques n’existent pratiquement plus. Le réseau des journalistes d’investigation Cenozo ne produit plus aucune enquête sur les grands enjeux d’un pays où il possède son siège. « Les sujets dérangeants ne sont plus abordés dans les reportages », confie un responsable de l’organisation. Sur les réseaux sociaux, les comptes critiques sont ensevelis sous des millions de trolls et perdent de leur attrait.
« La junte militaire a réussi à instaurer la terreur partout », constate un journaliste contraint à l’exil. Même les ONG ne font plus de déclarations. « Je ne peux pas vous parler. Vous pouvez utiliser notre rapport mais ne nous mentionnez pas », explique le responsable de la communication d’une ONG, avant de raccrocher précipitamment. Un militant des droits humains, qui, après de longues négociations, a finalement accepté de parler sous anonymat, déclare simplement : « Les droits de l’homme n’ont jamais été autant bafoués dans ce pays. Il est même désormais trop risqué de parler de tels droits. »
Pour étouffer encore davantage le débat public, y compris à partir des publications sur les réseaux sociaux de militants burkinabè en exil, des milliers de trolls attaquent et diffament ceux qui osent encore critiquer. Un d’eux, tenu par un certain Alpha Diallo, qui affirmait en août 2023 que « les hommes politiques burkinabè auraient reçu un soutien financier de la France pour déstabiliser la junte », a même été, bien que brièvement, republié sur la page Facebook de la présidence – ce qui laisse penser que le gouvernement ne se tient pas si loin de ces campagnes de désinformation. Plus récemment, des publications sur les réseaux sociaux comme « Anonymous Elite Alpha » ont offert des récompenses en espèces pour les meurtres de certains militants identifiés.
« On ne peut pas quitter un maître pour un autre »
« La France n’a jamais vraiment procédé à une introspection sur son modèle de décolonisation en demi-teinte, déplore un ancien politicien. Elle n’a pas non plus pleinement compris la révolte qui couvait depuis longtemps dans ses anciennes colonies, par rapport à sa domination persistante depuis l’indépendance ». La Russie, elle, a su, à ses yeux, mesurer l’ampleur des troubles qui se préparaient, et en a tiré profit.
Pour l’universitaire cité plus haut, Russes comme Occidentaux cherchent à promouvoir leurs intérêts au Sahel. Pour les Russes, les questions de démocratie, de droits humains ou de bonne gouvernance sont des enjeux intérieurs qui ne les concernent pas. Cela leur confère un avantage auprès des juntes militaires hostiles à la démocratie. « Tout cela a conduit à une situation où se dire anti-impérialiste, c’est-à-dire anti-Occidental, est une chose formidable », explique-t-il d’un air légèrement amusé. « Mais on ne peut pas quitter un maître pour un autre et parler de souveraineté. Aucune grande puissance n’a d’ami. Ils ont tous des intérêts à défendre », affirme un étudiant interrogé à l’université. Il espère que d’ici peu les dirigeants actuels céderont la place à « un Premier ministre plus politique et technocrate qui rassemble le peuple ».
L’enseignant, pour sa part, estime que le pays ne sortira pas de la grave crise actuelle sans un dialogue franc et sincère. « Nous ne pouvons pas laisser toute personne ayant un point de vue divergent être considérée comme une “personne apatride” devant être éliminée. La force brutale à la campagne et la tyrannie dans les villes ne résoudront rien. »
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Les demandes de commentaires adressées au porte-parole de la junte sont restées sans réponse.
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