Quand on parle de migration au Sénégal, on imagine le plus souvent un groupe de jeunes hommes voguant vers les Canaries sur une pirogue incertaine. C’est oublier que parmi les migrants, il y a beaucoup de migrantes… Que leur voyage soit légal ou « clandestin », que leur destination soit l’Europe ou un autre pays africain, on ne parle quasiment jamais de ces femmes voyageuses.
C’est à cette invisibilisation que s’attaque le podcast De Dakar au bout du monde, des femmes en migration, réalisé depuis la capitale sénégalaise par l’équipe d’Ëpoukay, un studio de créations musicales et radiophoniques. Découpé en sept épisodes d’une petite dizaine de minutes chacun, ce documentaire donne la parole à des Sénégalaises qui ont tenté l’aventure migratoire.
Certaines sont parties au Maroc, d’autres sont allées en Mauritanie. De là, plusieurs ont ensuite pris la pirogue pour rejoindre l’Europe au péril de leur vie. Pourquoi ? Comment ? Les intervenantes racontent les raisons de leur départ, les joies et les difficultés du voyage (le racisme, la violence), mais également les leçons qu’elles en ont tirées. Elles parlent de l’Europe forteresse, de l’exploitation des travailleuses domestiques au Maroc, mais aussi de l’émancipation que représente le « voyage ».
Il y a Rama, qui a demandé un visa pour l’Europe à plusieurs reprises, mais qui lui a toujours été refusé. « Ils te poussent à traverser par la mer », dénonce-t-elle, bien consciente des risques de ce genre de voyage, puisqu’elle a plusieurs copines qui sont « restées dans l’eau ». Ça ne l’a pas empêchée de tenter sa chance « à maintes reprises ». Même conviction pour Fatou, qui, après toutes les aventures qu’elle a vécues en migration, n’a plus peur d’embarquer sur une pirogue : « La mort c’est Dieu qui la détient. La mer, celui qui doit la traverser, il la traversera. » Mais il y a aussi Fama, qui, pour rien au monde, n’aurait traversé sur une pirogue. Sa migration, elle l’a faite en avion et vers le Maroc, un pays où les Sénégalaises n’ont pas besoin de visa. Comme Aïssatou et Khady, Rokhaya est rentrée au Sénégal, mais elle n’a toujours pas trouvé de travail stable et correctement rémunéré. Alors si elle en a l’occasion, « inch’Allah » elle repartira, pour le futur de sa fille.
En plus de la version en langue française, le podcast est disponible dans une version en wolof intitulée « Jiggéen yuy tukki : Dakaar ba fépp ci àdduna ». Tous les épisodes sont disponibles dans les deux langues sur les principales plateformes d’écoute : Spotify, Google Podcasts, Apple Podcasts, Deezer, Podcast Addict…
Épisode 1 – Les raisons du voyage
Pourquoi part-on ? Pourquoi décide-t-on un beau jour de quitter son pays, sa famille, ses amis, pour un ailleurs inconnu ? Longtemps, les femmes sénégalaises sont parties dans le cadre du regroupement familial, pour rejoindre un père ou un mari. Mais, peu à peu, ces migrations féminines se sont autonomisées. Aujourd’hui, de nombreuses Sénégalaises partent à l’aventure seules, par les airs, par la terre ou par la mer. Quelles sont leurs motivations ? Dans cet épisode, nous écoutons Rokhaya, Khady et Rama, qui ont migré du Sénégal au Maroc. De là, Khady et Rama ont tenté la traversée vers l’Europe. Nous écouterons aussi la syndicaliste Fambaye Ndoye et la socio-anthropologue Oumoul Khaïry Coulibaly.
Épisode 2 – L’odyssée d’Aïssatou
Parfois, la migration se passe bien. Mais parfois, le voyage tourne mal. Aïssatou, jeune Sénégalaise d’une vingtaine d’années, en a fait l’amère expérience il y a quelques années. Elle a croisé la mort de près. C’était quelque part entre le Maroc et l’Espagne, en pleine mer, sur la route de l’Europe. Son canot pneumatique a chaviré et Aïssatou a failli se noyer. Une fois revenue à terre, la jeune femme a été refoulée du Maroc vers l’Algérie, puis de l’Algérie vers le Niger, d’où elle a finalement été rapatriée au Sénégal par l’OIM (Organisation internationale pour les migrations). On l’écoute raconter son histoire.
Épisode 3 – Prendre la pirogue ou pas ?
Une fois qu’on a décidé de migrer, reste à savoir comment... Si on a des papiers en règle et qu’on a obtenu un visa pour sa destination, il suffit de prendre l’avion. Mais si on souhaite aller en Europe, les visas sont rares. Alors certaines voyageuses sénégalaises tentent de passer clandestinement, en prenant une pirogue vers l’Espagne. D’autres encore renoncent à l’Europe, et choisissent des pays accessibles sans visa, comme le Maroc. Dans cet épisode, nous écoutons notamment Rama, qui vit depuis des années dans le nord du Maroc, d’où elle a tenté à maintes reprises de rejoindre l’Espagne, en traversant la Méditerranée. On entendra aussi Fama, une journaliste qui a choisi de migrer au Maroc, où elle a travaillé deux ans dans un centre d’appel à Casablanca, avant de rentrer au Sénégal pour se rendre au chevet de sa mère qui était malade. Enfin, nous entendrons Fatou, qui a migré entre Maroc et Mauritanie, d’où elle a essayé plusieurs fois de rejoindre l’Espagne.
Épisode 4 – Les GP
La migration, c’est un ensemble de circulations humaines, qui va avec des circulations de marchandises et de savoir-faire. En marge de ces déplacements, de nouvelles activités se créent, de nouveaux métiers s’inventent. Dans cet épisode, notre protagoniste n’est pas une migrante à proprement parler : Sylvie Mame Diarra est une GP. Cette profession, traditionnellement féminine, consiste à voyager entre le Sénégal et d’autres pays pour transporter des colis dans des valises. Quand ils veulent s’envoyer des objets, des cadeaux, les Sénégalais de l’intérieur et ceux de la diaspora font appel à des GP. Sans plus attendre, on part à Dakar retrouver Mame Diarra GP, qui remplit sa valise. Dans quelques jours, elle rejoindra l’aéroport international de Dakar pour embarquer pour une nouvelle livraison.
Épisode 5 – Les cauchemars du voyage
À long terme, la migration peut améliorer la vie de celles et ceux qui l’entreprennent. Le voyage peut aussi être une aventure extraordinaire, une expérience riche de rencontres et de découvertes. Mais il a aussi sa face sombre, avec des difficultés, des horreurs, des drames parfois. Sur la route, les femmes sont particulièrement exposées aux violences sexuelles, au chantage, à l’exploitation en tout genre. Le dénuement, la faim, les nuits à la rue sans lit et sans abri peuvent aussi être au rendez-vous. Dans cet épisode, on entendra Fama, Khady, Rokhaya, Rama et Fatou, qui partagent avec nous quelques histoires vécues ou entendues. On entendra aussi la syndicaliste Fambaye Ndoye.
Épisode 6 – Les étudiantes étrangères au Sénégal
En matière de migration, le Sénégal est un pays de départ, de transit, mais également d’accueil. Parmi les étrangers et les étrangères installés à Dakar, on retrouve plusieurs milliers d’étudiantes originaires d’autres pays africains, qui viennent suivre leur cursus au Sénégal. Une migration temporaire qui parfois s’éternise. Une expérience qui a ses richesses et ses difficultés. Dans cet épisode, on écoutera Mimi et Corine, deux étudiantes, l’une tchadienne, l’autre camerounaise, qui partagent avec nous quelques bribes de leur expérience d’émigration et des leçons qu’elles en tirent.
Épisode 7 – Les leçons du voyage
Un proverbe sénégalais dit : « Ku dul tukki doo xam fu dëkk neexe » (« Celui qui n’a pas voyagé ne sait pas où il fait bon vivre »). Migrer c’est aller voir soi-même, par ses propres yeux, sans attendre que les autres vous racontent. La soif de rencontre, l’espoir d’une vie meilleure alimentent le voyage, qui se transforme en leçon de vie, et parfois en discours politique. Car les leçons acquises sur la route par les migrants et les migrantes sont aussi des messages pour les gouvernants du Sud et du Nord, ceux qui, par leurs décisions, changent le parcours et la vie de millions de personnes, à Dakar comme au bout du monde. On écoute tout de suite Fama, Rokhaya, Rama et la syndicaliste Fambaye Ndoye.
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