La lettre hebdomadaire #149

Piège

L'image représente une toile d'araignée délicate, suspendue dans l'air. La toile est composée de nombreux fils fins, formant un motif en spirale qui converge vers le centre. Ce dernier est souvent occupé par une petite araignée, bien qu'elle ne soit pas visible ici. Le fond est sombre, ce qui met en valeur la légèreté et la transparence des fils de la toile. Les détails du design évoquent une impression de finesse et de structure complexe, créant un contraste saisissant avec l'arrière-plan. Cette scène transmet une atmosphère de calme et de mystère, rappelant la beauté de la nature.
© Pascal Roger / Flickr

ÉDITO

LE MOZAMBIQUE AU BORD DU GOUFFRE ?

Les élections parlementaires et provinciales du 9 octobre dernier, sur lesquelles pèsent de nombreux soupçons d’irrégularités, voire de fraudes, ont été officiellement closes ce 24 octobre par la publication des résultats définitifs (selon le calendrier prévu). Ceux-ci ne diffèrent guère des résultats provisoires fortement contestés par les partis de l’opposition, notamment par le nouveau venu, Podemos (Parti optimiste pour le développement du Mozambique), et par son candidat à la présidence de la République, Venâncio Mondlane, dont le score, inattendu, le place en deuxième position, devant les traditionnels challengers du Front de libération du Mozambique (Frelimo), le Mouvement démocratie du Mozambique (MDM) et la Résistance nationale du Mozambique (Renamo).

Ossufo Momade, successeur en 2018 du chef historique décédé de la Renamo, Afonso Dhlakama, a vu cette fois-ci le nombre de ses électeurs fondre, passant de 1 356 644 en 2019 à 403 591 ce 9 octobre. Pour sa première participation à l’élection présidentielle, Venâncio Mondlane a de son côté engrangé 1 412 511 voix. Le Frelimo, au pouvoir depuis l’indépendance, caracole en tête avec 4 788 117 voix, ce qui assure à son candidat Daniel Chapo la succession du président Filipe Nyusi, au terme de son second et dernier mandat.

À ce bouleversement des rapports de force s’est ajouté un fait dramatique sans précédent et dont les circonstances restent floues. Il s’agit de l’assassinat dans leur voiture, la nuit du 14 octobre en plein centre de Maputo, la capitale, de l’avocat de Venâncio Mondlane, Elvino Dias, et du représentant légal du Podemos, Paulo Guambe. Tous deux étaient chargés de présenter les cas de fraude devant la Commission nationale électorale (CNE). On ne connaît pas encore la version des faits d’un témoin blessé – une jeune femme qui se trouvait à l’arrière du véhicule – ni même les résultats des premières constatations des policiers, qui seraient intervenus assez vite aussi bien sur le lieu du double meurtre qu’auprès des assassins, eux-mêmes victimes d’un accident alors qu’ils fuyaient.

Est-ce un crime politique ? Faut-il y voir une opération des services secrets visant à déstabiliser le pouvoir actuel ? L’embarras est en tout cas perceptible dans le silence des dirigeants du Frelimo ou des membres du gouvernement. Certes, le président Nyusi a appelé au calme et essayé de décourager les manifestations de protestation auxquelles a aussitôt appelé Venâncio Mondlane – avec un succès limité pour le moment. Avec ses accents populistes, Mondlane, 47 ans, s’est constitué une base sociale auprès de la masse de jeunes désœuvrés, particulièrement nombreux dans la capitale.

Au cours de sa récente visite au Portugal, Venâncio Mondlane s’est entretenu avec les leaders du parti d’extrême droite, Chega. Il lui est arrivé également de proférer des jugements positifs sur l’action du Brésilien Jair Bolsonaro, voire de l’Argentin Javier Milei, deux figures de la « nouvelle » extrême droite sud-américaine.

Ancien député du MDM, puis de la Renamo, actif dans la communication télévisuelle et radiophonique, Mondlane s’est bâti une expertise qu’il saura probablement mettre à profit pour dénoncer les erreurs ou les contradictions du pouvoir.

Le Mozambique traverse une longue crise économique, avec un PIB par habitant de 640 dollars, inférieur à celui du Burkina Faso, par exemple, malgré un potentiel minier et agricole bien supérieur. Saura-t-il réunir les ressources humaines et intellectuelles pour inventer un nouveau futur tout en échappant aux expérimentations d’apprentis sorciers 
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

À ÉCOUTER

LES « CHASSEURS DE NUIT » FONT CONVERGER LE JAZZ ET LA MUSIQUE TOGOLAISE

Dans un monde où tout pousse à nous séparer, il y a des lieux où tout pousse à nous rapprocher. Rien de moins vrai au 38Riv ce mardi 22 octobre, un club de jazz parisien microscopique et qui, ce soir-là, est archi plein. Sur scène, Zangbeto – les « chasseurs de nuit », en langue fon. Trois Togolais (batterie, basse, piano et chants) et deux Français (trompette et guitare) se sont réunis pour former ce quintet dans lequel la musique traditionnelle togolaise se mêle aux sonorités jazz sans aucune difficulté. Ils enchaînent deux concerts ce soir-là.

« J’ai appris le piano à l’église, confie Joachim Amouzou. La plupart d’entre nous apprenons les rudiments musicaux à l’église… » Il raconte avoir été subjugué par Aaron Goldberg, un célèbre pianiste de jazz états-unien, de passage au Homeland Jazz Festival de Lomé en 2020. Avec deux autres camarades, le batteur Henoch Fafadji et le bassiste Honoré Dafo, ils forment le Zangbeto, travaillent d’arrache-pied cette musique réputée techniquement complexe et peu accessible.

Aucun problème pour les trois jeunes musiciens âgés d’à peine une vingtaine d’années : « En réalité, dans la musique traditionnelle, nous utilisons sans le savoir des gammes similaires ou très proches de celles du jazz », poursuit Joachim Amouzou.

Le trompettiste français Félicien Bouchot (membre de plusieurs formations réputées comme Bigre !) découvre Zangbeto sur une scène de Lomé en 2022. Lorsqu’il apprend que les Togolais sont de passage en France un an plus tard, il leur propose une semaine de résidence chez lui avec un autre musicien, le guitariste Romain Baret. Celui-ci explique que « la mise en place, la musicalité, a été rapide et très naturelle. Il a juste fallu transcrire ce que faisait Zangbeto afin de visualiser certaines subtilités. » Aucun des membres de Zangbeto ne sait écrire et lire la musique.

De cette résidence naît un concert… Et l’envie de poursuivre le travail autour d’un album et d’une tournée. Non sans difficultés : « Les faire venir, c’est compliqué, à cause des visas », regrette Félicien Bouchot, qui espère qu’ils pourront bientôt intégrer une école de jazz en France, ce qui pourrait faciliter leurs déplacements.

À écouter : Ezo feux », en Ewé), le 1er album de Zangbeto, sorti en mars 2024. Toutes les informations disponibles sur leur site.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

LES ARTICLES DE LA SEMAINE

Guerre au Liban. « Mon cadavre, ils l’auraient pris pour aller travailler ! »
Reportage Alors que le Liban est sous les bombes d’Israël depuis plusieurs semaines, nombre d’employés de maison originaires d’Afrique et d’Asie se retrouvent livrés à eux-mêmes. Traumatisés, parfois abandonnés par leur employeur et par leur propre pays, ils tentent de trouver un refuge à Beyrouth.
Par Amélie David

Bruno Maillard. « Les marrons ont été “déconscientisés” »
Entetien Le succès en France du film de Simon Moutaïrou, Ni chaînes ni maîtres, tourné sur l’île Maurice, met en lumière un phénomène très largement méconnu du grand public : le marronnage. Spécialiste de l’esclavage dans l’océan Indien, l’historien Bruno Maillard explique pourquoi des captifs décidaient de fuir les plantations, et en quoi cette histoire mérite d’être racontée.
Par Rémi Carayol

La Zlecaf, un cheval de Troie néolibéral ?
Analyse Lancée officiellement le 1er janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine vise à créer un marché unique pour les biens et les services et à favoriser la circulation des capitaux et des personnes. Mais derrière cet objectif, présenté comme « panafricaniste », se cache un projet néolibéral qui pose des questions cruciales.
Par Aicha Fall

Vous aimez notre travail ? Association à but non lucratif, Afrique XXI est un journal indépendant, en accès libre et sans publicité. Seul son lectorat lui permet d’exister. L’information de qualité a un coût, soutenez-nous (dons défiscalisables) :

FAIRE UN DON