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Les Pyramides de Méroé, vestiges d’un Soudan glorieux

Loin des violentes tensions politiques qui agitent Khartoum, les Pyramides de Méroé trônent, immuables, en mémoire des pharaons de Nubie. Le site, aujourd’hui relégué aux livres d’histoires et oublié du tourisme mondialisé, est le legs de ce qui fut une puissante monarchie africaine.

Les Pyramides de Méroé sont nichées dans une vaste plaine désertique au nord de Khartoum.
Sebastian Castelier / Afrique XXI

Après trois décennies passées sous le joug du président Omar Al-Bachir, accusé par la Cour pénale internationale de crimes contre l’humanité et de génocide, le Soudan s’enflamme en 2019. Mais le gouvernement de transition mis en place à la suite de la révolution est dissous en novembre 2021 par le général Abdel Fattah al-Burhan. Si le nouvel homme fort du pays promet des élections en 2023, le retour de la violence dans les rues de Khartoum douche les espoirs d’une population désabusée. « C’est une trahison de la révolution. Et comme si nous nous étions battus depuis le coup d’État pour rien. Les militaires sont des tueurs, nous ne voulons plus les voir au pouvoir », confiait à Orient XXI Ghassak, un médecin soudanais. 

Pour la jeunesse soudanaise éprise de démocratie, qui peint sur les murs de Khartoum des tags louant les valeurs de liberté et les droits humains, les modèles d’inspirations se trouvent pour la plupart hors des frontières du Soudan, et les Pyramides de Méroé, nichées entre plusieurs dunes de sable qui rompent la monotonie d’une vaste plaine désertique située à 230 kilomètres au nord de Khartoum, ne revêtent qu’une importance toute relative. Nombreux sont ceux qui avouent n’avoir jamais eu la volonté de les visiter.

Le site, aujourd’hui relégué aux livres d’histoires et oublié du tourisme mondialisé, demeure néanmoins l’un des derniers vestiges d’une puissante monarchie africaine. Entre le VIIIe siècle avant Jésus-Christ et le IVe siècle après Jésus-Christ, l’actuel nord du Soudan et le sud de l’Egypte est la terre du royaume de Koush, avec pour capitale la cité de Méroé.

Inscrites au Patrimoine mondial de l’UNESCO, les Pyramides de Méroé, sépultures royales des souverains du royaume de Koush, jouxtent d’autres traces de l’ancienne cité royale, incluant les sites religieux de Musawwarat es-Sufra et Naqa. Ces trois sites abritent les vestiges les mieux préservés de la scène politique, religieuse, sociale, artistique et technique du nord et du milieu de la vallée du Nil de l’époque.
Sebastian Castelier / Afrique XXI
A contrario des pyramides égyptiennes (dont la plus grande est la pyramide de Khéops, achevée il y a plus de 4 500 ans : elle mesure 146 mètres), les Pyramides de Méroé sont de tailles plus modestes, mesurant entre 10 à 30 mètres de haut. Méroé détient néanmoins un record : la plus grande concentration de pyramides au monde.
Sebastian Castelier / Afrique XXI
Stratégiquement positionné, le royaume de Koush, dirigé par les pharaons et reines noirs, est un point de passage obligé pour les caravanes marchandes se mouvant avec lenteur entre les côtes de la mer Rouge et l’Afrique intérieure. Également riche en ressources naturelles, ce royaume façonne une industrie métallurgique autour de mines de fer et d’or, s’assurant ainsi une puissance économique qui lui permet de s’opposer à l’Égypte et de contenir pendant un temps les velléités de l’Empire romain.
Sebastian Castelier / Afrique XXI
Reliée au monde extérieur via des routes marchandes de premières importances, la civilisation koushite mêle avec subtilité les influences africaines, méditerranéennes et moyen-orientales. L’UNESCO note par exemple que les Pyramides de Méroé offrent aux visiteurs « une juxtaposition d’éléments structurels et décoratifs de l’Égypte pharaonique, de la Grèce et de Rome, ainsi que du royaume de Koush lui-même ».
Sebastian Castelier / Afrique XXI
Les pyramides de Méroé renferment en leur cœur des chambres souterraines aux plafonds voûtés qui font office de sépultures royales - trois pour un roi et deux pour une reine. Selon le magazine National Geographic, « un cercueil en bois, représentant le visage du défunt, était placé dans la chambre funéraire. Les corps sacrifiés d’animaux et, dans certains cas, de serviteurs humains étaient placés à proximité ».
Sebastian Castelier / Afrique XXI
Face à la mainmise de l’Empire romain sur les terres d’Égypte, le royaume de Koush perd de son influence et finit par s’éteindre au IVe siècle après Jésus-Christ, mettant ainsi un terme à l’une des plus célèbres civilisations nubiennes. Trois royaumes koushites, ayant eu pour capitales respectives Kerma, Napata et enfin Méroé, ont dominé la Nubie pendant plus de 3 000 ans. Dans sa chute, le royaume de Koush emporte avec lui le méroïtique, la plus ancienne langue écrite connue de l’Afrique subsaharienne.
Sebastian Castelier / Afrique XXI
De l’histoire africaine, les Pyramides de Méroé en racontent également l’un des pans les plus sombres : le pillage des trésors archéologiques du continent par les Européens. Attiré par la croyance que les édifices renferment de l’or, le pilleur de tombes italien Giuseppe Ferlini rallie Méroé en 1834 et inflige des dommages aujourd’hui encore déplorés par les archéologues, tels que la destruction de certaines pyramides.
Quentin Muller / Afrique XXI
Près de deux siècles après les ravages de Giuseppe Ferlini, les Pyramides de Méroé, classées au rang de monument national, bénéficient d’une surveillance assurée par une équipe de gardes soudanais qui opèrent dans les faits sous la houlette de la Corporation nationale des antiquités et des musées.
Quentin Muller / Afrique XXI
En septembre 2020, les autorités soudanaises déclarent l’état d’urgence suite à des inondations qui causent la mort de plus de 100 personnes, endommagent plus de 10 000 habitations et mettent en danger plusieurs sites archéologiques, dont les Pyramides de Méroé, déjà menacées par l’effet continu de l’érosion par le vent et le sable.
Quentin Muller / Afrique XXI
Aux tensions politiques qui ébranlent le Soudan depuis décembre 2018, s’ajoute la précarité d’une économie à l’agonie, en proie à l’hyperinflation et à une violente dépréciation de la monnaie nationale, limitant ainsi les budgets alloués à la protection du patrimoine. Malgré « l’effondrement de plusieurs pyramides » et le fait que de nombreux détails remarquables des Pyramides de Méroé se soient « détériorés au fil du temps », l’UNESCO estime que le site conserve à ce jour son authenticité archéologique.
Sebastian Castelier / Afrique XXI