L’annonce est tombée le 1er février 2022 : le géant français du pétrole, TotalEnergies, et son équivalent chinois, China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), ont signé avec l’Ouganda une « Décision finale d’investissement » afin d’exploiter l’or noir retenu sous les rives du Lac Albert. Son coût ? Dix milliards de dollars.
Pourtant, depuis le début de cette « aventure » pétrolière, démarrée il y a plus de 15 ans, des voix s’élèvent pour dénoncer l’écocide à venir.
Le projet prévoit le forage de 400 puits qui seront reliés par 180 kilomètres de tuyaux, et la construction d’un oléoduc (« Eacop ») chauffé - afin de maintenir l’huile à une certaine température - de plus de 1 450 kilomètres jusqu’au port de Tanga, situé sur la côte de l’océan Indien, en Tanzanie. Il impactera des zones de biodiversité inestimables, dont le plus grand parc national d’Ouganda, Murchison Falls, et impliquera le déplacement d’au moins 100 000 personnes. Beaucoup d’entre elles ont accepté - souvent sous la contrainte - d’abandonner leur lopin de terre, mais attendent toujours l’indemnité promise par l’État et les majors pétrolières.
Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Okavango, où les découvertes de pétrole menacent une fois de plus une nature fragile.
Une plainte en France
En 2019, plusieurs associations locales et internationales ont porté plainte en France contre TotalEnergies pour « non-respect de son devoir de vigilance ». En décembre 2021, la Cour de cassation française a donné raison aux plaignants en déclarant le tribunal judiciaire de Nanterre compétent pour traiter l’affaire. Le groupe pétrolier réclamait, de son côté, qu’elle soit jugée devant le tribunal de commerce.
Les ONG bataillent pour faire entendre raison à l’État ougandais, mais aussi aux autorités françaises, alors que Paris s’est engagé à ne plus investir dans les énergies fossiles à l’étranger d’ici fin 2022. Faut-il voir dans la signature du 1er février une précipitation de la part de Total ?
Quoi qu’il en soit, le combo pétrolier est soutenu par le président ougandais. Lors de la signature de l’accord à Kampala, Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 36 ans, n’a pas mâché ses mots : « Les associations qui critiquent ce projet sont des gens qui n’ont pas de travail. Ils n’ont rien à faire, alors laissez ces idiots continuer à errer sans objectif, ils aiment seulement boire du thé et manger des biscuits. » L’autocrate met en avant les retombées économiques que représenteront une production estimée à 230 000 barils par jour pendant vingt-cinq à trente ans. Mais à quel prix ?
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