Gilbert Chagoury, le sulfureux mécène honoré par Emmanuel Macron

Enquête · Tout à sa volonté de créer des liens avec les afro-capitalistes nigérians, le président français s’est rapproché de Gilbert Chagoury, un richissime homme d’affaires libano-nigérian qui a notamment été l’un des blanchisseurs du dictateur Sani Abacha, et qui a été condamné aux États-Unis pour des faits de trafic d’influence.

Gilbert Chagoury, à la gauche d’Emmanuel Macron, lors du dîner de clôture de la Saison Africa2020, le 29 septembre 2021.
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Le vol du Boli, l’une des créations marquantes de la saison culturelle « Africa2020 » organisée en France, a été repris en avril 2022 au Théâtre du Châtelet, à Paris. Le braquage du fétiche malien en 1932 par l’écrivain et ethnologue français Michel Leiris est l’occasion, pour les metteurs en scène et en son, le Britannique Damon Albarn et le Mauritanien Abderrahmane Sissako, de retracer et de dénoncer l’histoire de l’exploitation et du pillage de l’Afrique par l’Occident au fil des siècles. La critique musicale n’a rien trouvé à redire à cette œuvre, saluant en particulier l’« hommage vibrant » de Damon Albarn, ancien chanteur du groupe de pop britannique Blur, au « génie musical » de l’Afrique1. L’identité de l’un des principaux mécènes de cette œuvre pose pourtant question.

« Africa2020 », incarnation d’un reset prétendument décomplexé de la France avec le continent africain, en premier lieu ses marchés porteurs tels que le Nigeria, a bénéficié de financements de l’Institut français « presque intégralement levés auprès de grands groupes » tels que Total, Orange, Thales ou encore Engie, souligne la lettre d’information confidentielle Africa Intelligence2. Ces derniers « étaient réunis au sein d’un comité des mécènes aux premiers rangs desquels on trouve la Fondation Gilbert et Rose Marie Chagoury ». Le 30 septembre 2021, ce « cher Gilbert », dixit son hôte Emmanuel Macron, était l’invité d’honneur du dîner de clôture de la saison « Africa2020 » organisé à l’Élysée.

Gilbert Chagoury, 76 ans, qui se présente lui-même sur son site internet comme un « industriel, ambassadeur, conseiller et philanthrope […] né de parents libanais originaires de Miziara installés au Nigeria », n’est pas n’importe qui. L’ascension de sa firme industrielle, le groupe Chagoury, qu’il a fondé en 1971 au Nigeria avec son frère Ronald, et qui est depuis devenu l’un des principaux acteurs de l’économie ouest-africaine, notamment dans l’agroalimentaire, le pétrole, l’hôtellerie et le BTP, est marquée par une multitude d’affaires louches et par des accusations de blanchiment et de trafic d’influence accumulées des deux côtés de l’Atlantique – de Washington à Abuja en passant par Castries, la capitale de la petite île caribéenne de Sainte-Lucie. De quoi s’interroger sur ce qui pousse l’Élysée à entretenir des relations avec un si sulfureux personnage.

Le blanchisseur de Sani Abacha

Officiellement, Gilbert Chagoury, aîné d’une fratrie de cinq enfants, a commencé sa carrière au Nigeria en « vendant des chaussures et des voitures ». Dans son dernier livre, This Present Darkness, a History of Nigerian Organized Crime (Éditions Hurst, 2016), l’africaniste et historien britannique Stephen Ellis, décédé en 2015, raconte une tout autre success story. S’interrogant sur les origines du groupe, il rappelle que le Nigeria, et en particulier la métropole nordiste de Kano, fut dès les années 1950 considéré par Washington comme un hub de transit du trafic d’héroïne mené depuis le Liban vers le continent américain. À cette même époque, Stephen Ellis signale l’implication dans ce commerce illicite d’un certain O. Chagoury. Pour Ellis, le milliardaire libano-nigérian serait le descendant de ce trafiquant, ce qui, explique-t-il, « ne nous dit pas grand-chose du propre caractère » de Gilbert Chagoury, mais illustre le fait que « le commerce de l’héroïne puisse fournir un capital de démarrage pour d’autres formes d’affaires ». Ainsi, écrit-il, « il semble qu’une dynastie commerciale s’est en fait constituée à partir du trafic de drogue ».

Le rôle joué par Gilbert Chagoury sous la dictature de Sani Abacha (au pouvoir de 1993, après un putsch, jusqu’à son décès, en 1998) est, lui, parfaitement connu et documenté : tout-puissant conseiller du kleptocrate nigérian (comme il le fut auprès du président béninois Mathieu Kérékou durant son second mandat, de 1996 à 2006), il est également soupçonné d’avoir été l’un de ses blanchisseurs en chef. Le principal intéressé réfute cette allégation. Mais en 2000, la justice suisse l’a bien condamné à une amende record de 1 million de francs suisses pour avoir joué un rôle important dans le transfert vers les bords du lac Léman de sommes appartenant à la Banque centrale du Nigeria3. On estime les pétrodollars détournés par la dictature Abacha à plus de 3,5 milliards de dollars.

À l’époque d’Abacha, face aux menaces de sanctions diplomatiques et économiques qui commencent à être brandies par les chancelleries occidentales, Chagoury devient l’envoyé spécial du dictateur auprès de la diplomatie américaine4. La Maison-Blanche, alors habitée par Bill Clinton, pousse pour le retour de la démocratie au Nigeria, sur fond d’un intérêt certain pour le pétrole du golfe de Guinée. Après l’emprisonnement en 1994 du millionnaire Moshood Abiola, candidat à l’élection présidentielle avortée de 1993, la goutte de trop a été l’exécution par pendaison en 1995 de l’écrivain, acteur et militant écologiste Ken Saro-Wiwa, et de huit autres activistes, à l’issue d’un procès controversé. Membre de la minorité ogonie, Saro-Wiwa alertait l’opinion mondiale sur les désastres écologiques liés à l’exploitation du pétrole dans le Delta du Niger.

« Toutes les touches du piano »

En septembre 1995, trois mois avant l’exécution par pendaison du militant ogoni, James Steinberg, alors conseiller adjoint à la sécurité nationale de Clinton, et Susan Rice, future secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines, se retrouvent à Genève pour rencontrer Chagoury et plusieurs envoyés d’Abacha. « Un moyen idéal, selon les propos de Susan Rice rapportés par le Washington Post, de faire passer un message clair » au dictateur nigérian. Chagoury suggère d’ouvrir un dialogue entre les deux gouvernements. Steinberg refuse tant que les Nigérians n’auront pas pris des mesures concrètes telles que la libération de prisonniers politiques de haut niveau, dont le futur président Olusegun Obasanjo et Moshood Abiola.

Chagoury tente aussi sa chance auprès de Donald E. McHenry, l’envoyé spécial au Nigeria par l’administration Clinton. Dès sa nomination, ce dernier voit débarquer l’homme d’affaires et son frère Ronald dans ses bureaux de l’université Georgetown de Washington. « Ils essayaient d’influencer tous ceux qui, selon eux, pourraient être entendus par le gouvernement américain », racontera bien plus tard McHenry au Los Angeles Times5, précisant que les Chagoury « ont essayé toutes les touches du piano » en signant notamment de gros chèques, y compris des contributions d’au moins 1 million de dollars à la Fondation Clinton et de 460 000 dollars à un groupe d’inscription des électeurs, Vote Now 96, dirigé par des alliés du président démocrate.

Ainsi débuta une longue relation avec le 42e président des États-Unis. Chagoury sera d’ailleurs récompensé de ses efforts en étant invité, le 21 décembre 1996, à un dîner à la Maison-Blanche organisé en présence de 250 autres donateurs du Democratic National Committee.

Chagoury, dont le groupe a contribué à construire la nouvelle capitale fédérale d’Abuja, va aussi vendre son entregent à Paris. L’homme d’affaires devient l’un des intermédiaires privilégiés des entreprises françaises de l’énergie qui cherchent à s’implanter dans le Nigeria d’Abacha. En 1995, le pétrolier Elf Aquitaine, emblème de la Françafrique, verse 70 millions de dollars de commissions à l’homme d’affaires et à deux autres intermédiaires, le Libano-Nigérian Eli Calil et le Libano-Monégasque Samir Traboulsi – Chagoury empochant à lui seul 45 millions selon Le Monde6. Trois ans plus tard, Chagoury aide TotalFina (futur Total Energies) à devenir l’actionnaire à 40 % (aux côtés de la South Atlantic Petroleum, détenue par Chagoury et par un autre proche d’Abacha, l’ancien chef d’état-major nigérian Theophilus Danjuma) du permis d’exploitation en offshore du bloc pétrolier nigérian OPL 246 et de son méga champ d’Akpo.

Un drôle d’ambassadeur

En 1999, la République fédérale du Nigeria renoue avec une relative démocratie en élisant à sa tête Olusegun Obasanjo, sorti vivant des geôles d’Abacha (contrairement à Abiola, mort d’une crise cardiaque en prison en juillet 1998). Selon le journaliste Ken Silverstein, Chagoury monnaie son impunité avec la nouvelle administration en s’engageant à rapatrier dans les caisses de l’État au moins 60 millions de dollars (certains parlent même de 300 millions) détournés à l’étranger par le régime Abacha7.

En France, en revanche, Chagoury ne sera jamais entendu ni poursuivi dans le cadre de l’affaire Elf Aquitaine, grâce son immunité diplomatique. En 1995, Gilbert Chagoury est en effet devenu ambassadeur de la petite île caribéenne de Sainte-Lucie auprès de l’Unesco. Une tradition familiale : Ronald, son frère, élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur en décembre 2017, au début du premier mandat d’Emmanuel Macron, fut représentant de la Grenade auprès de l’Unesco de 1998 à 2005… « Grâce à son passeport diplomatique, estime Rick Wayne, patron et fondateur du quotidien St Lucia Star, Chagoury a non seulement pu ouvrir des portes, comme aux États Unis – portes qui lui étaient auparavant fermées à cause de son sulfureux passé –, mais il a également échappé à une convocation de la justice dans le cadre de certaines affaires »8.

L’histoire entre Chagoury et Sainte-Lucie démarre sous le deuxième mandat du Premier ministre libéral John Compton9. Introduit auprès de ce dernier en 1995, l’homme d’affaires lui fait part de son intention de représenter son petit pays auprès de l’Unesco à Paris. Le deal est simple selon Rick Wayne : si Compton accepte l’offre de Chagoury, ce dernier « financera à ses frais tout ce qui est nécessaire pour obtenir l’aide de l’Unesco dans la mise en place de programmes d’éducation pour Sainte-Lucie ». Chagoury convainc Compton, il est nommé ambassadeur.

Un an plus tard, en 1996, l’île caribéenne installe au pouvoir un nouveau Premier ministre, le travailliste Kenny Anthony. « Dans des circonstances normales, explique Rick Wayne, les ambassadeurs changent avec les nouvelles administrations. Compte tenu de ses origines, et compte tenu du discours du Parti travailliste visant à privilégier les nationaux (« les Saint-Luciens d’abord »), Chagoury a commencé à craindre que son statut ne soit révoqué. » L’homme d’affaires mène alors une intense campagne de séduction auprès du nouveau Premier ministre, allant jusqu’à l’inviter lui et son adjoint, tous frais payés, au mariage de son fils à Monaco. Il sera finalement reconduit dans ses fonctions d’ambassadeur, mais avec une nouvelle casquette en plus : non seulement il reste à l’Unesco, mais, désormais, il représentera également Saint-Lucie au Vatican, au grand dam de plusieurs figures religieuses de l’île.

L’ami Bill Clinton

En 2003, « Monsieur l’Ambassadeur » invite Bill Clinton dans la petite île. La venue de l’ancien président américain, qui sera rémunérée 100 000 dollars10, renforce ses relations avec Chagoury. L’Afrique commence à cette époque à être l’objet d’un nouveau narratif, celui de l’« Africa Rising » (ou de l’afro-optimisme, qui sera consacré en 2011 par une célèbre une de The Economist), qui voit converger les milieux d’affaires et financiers vers le continent. Bill Clinton est aujourd’hui devenu l’un des principaux lobbyistes, avec sa fondation éponyme, du grand œuvre du groupe Chagoury à Lagos : le projet immobilier Eko Atlantic, une cité entièrement autonome de 900 hectares, destinée à abriter plus de 200 000 habitants, qui commence à être érigée sur la pointe sud de Victoria Island, face à l’Atlantique, au bout de la mégalopole.

Lorsqu’elle sera achevée, cette enclave gagnée sur 10 hectares d’océan sera protégée par une barrière anti-érosion de 8,5 kilomètres. Pour Tim Cocks, ancien chef du bureau de Reuters au Nigeria, Eko Atlantic, qui abritera expatriés, membres de la bourgeoise nigériane et sièges d’entreprises nationales et internationales (dont la filiale nigériane de BNP Paribas), sera « la réponse de Lagos à la plus inquiétante des tendances du capitalisme extrême du XXIe siècle : l’avènement des villes privées »11.

Le projet Eko Atlantic en construction, à Lagos.
Le projet Eko Atlantic en construction, à Lagos.
© Eko Atlantic

Aux États-Unis, l’annonce que Washington édifiera son consulat de Lagos sur le terrain d’Eko Atlantic a fait l’objet, le 10 mai 2022, d’un papier particulièrement critique de l’agence Bloomberg, qui s’interroge : quels liens peuvent unir les États-Unis avec un homme qui a été « poursuivi pour blanchiment d’argent » ? « Soit le gouvernement américain était incompétent et n’a pas fait preuve de diligence raisonnable, soit il a [...] compris à qui il avait affaire et a ignoré les préoccupations évidentes », y souligne Matthew Page, ancien spécialiste du Nigeria au sein du département d’État, aujourd’hui chercheur associé à Chatham House, à Londres12.

Bienvenu à Paris, poursuivi aux États-Unis

En France, il semble qu’on ait également ignoré ces « préoccupations évidentes », par pragmatisme et au nom de la diplomatie économique. Le 28 juin 2021, en marge du sommet Choose France 2021 organisé au château de Versailles, Emmanuel Macron et son ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, Franck Riester, ont réuni le gratin de l’afro-capitalisme nigérian à l’occasion du lancement du nouveau Conseil d’affaires France-Nigeria. Il y avait là Abdul Samad Rabiu, fondateur et président du groupe cimentier nigérian BUA, Mike Adenuga (Globacom et Conoil), Aliko Dangote (Dangote Group), Tony Elumelu (UBA & Heirs Holdings), Herbert Wigwe (Access Bank)... et Gilbert Chagoury. Désormais, souligne Africa Intelligence, « la diplomatie économique passe par la culture ». Ainsi, la saison « Africa2020 » fut « une aubaine pour Gilbert Chagoury, qui a toujours gagné en influence auprès des présidents nigérians en finançant des actions d’influence, qu’elles soient politiques ou diplomatiques, hors des frontières du pays »13.

Il faut dire qu’au Nigeria, l’actuel chef de l’État et ancien dictateur Muhammudu Buhari n’apprécie pas le milliardaire. Et pour cause : en 2015, Chagoury a financé et soutenu son challenger, le président sortant Goodluck Jonathan. En vue de porter sa candidature jusqu’à Washington, l’homme d’affaires avait fait appel à l’agence de communication de l’Américain Mark Corallo, futur porte-parole de l’équipe juridique de Donald Trump14. Y a-t-il eu tentative de trafic d’influence ? En 2019, Chagoury a reconnu devant la justice américaine avoir fourni environ 180 000 dollars entre 2012 et 2014 à « des particuliers aux États-Unis » - soit quelques mois avant la présidentielle nigériane de 2015 -, un montant « utilisé pour verser des contributions à quatre candidats politiques fédéraux différents lors d’élections américaines ». Les donateurs étaient tous liés à l’ONG de Gilbert Chagoury, In Defense of Christians, créée pour sensibiliser les décideurs politiques et l’opinion publique américaine au sort des chrétiens d’Orient.

Parmi les personnes ayant reçu de l’argent des intermédiaires de Chagoury figurait le futur représentant républicain du Congrès pour le Nebraska, Jeff Fortenberry. La loi fédérale états-unienne interdisant à tout donateur non américain de financer des activités politiques, Gilbert Chagoury s’est acquitté une nouvelle fois d’une amende de 1,8 million de dollars afin d’éviter tout déballage de linge sale en public. Fortenberry, accusé d’avoir menti sur l’origine des contributions finançant sa campagne, a de son côté été contraint de démissionner du Congrès le 31 mars 202215.

À l’époque de ses relations cordiales avec les États-Unis de Clinton, Gilbert Chagoury possédait un pied-à-terre dans le quartier des Trousdale Estates, à Los Angeles : une résidence achetée 15 millions de dollars en 2000 avec vue imprenable sur la cité des Anges, piscine géante et parking prévu pour vingt véhicules. Désormais, c’est en France, à Paris, au 21 bis, avenue d’Iéna, dans un hôtel particulier qui abrite aussi l’ambassade de Sainte-Lucie auprès de l’Unesco, que l’homme d’affaires semble avoir trouvé un havre de paix, déléguant ses affaires africaines à son frère Ronald, ainsi qu’à son neveu Ronald Junior, chargé, via la filiale South Energyx, du développement – actuellement contrarié16 - d’Eko Atlantic. Au 21 de la même avenue, on trouve le dispensaire Sainte-Lucie, où exerce le docteur Joseph Arsan, qui a reconnu devant la justice américaine avoir servi d’intermédiaire pour Chagoury dans l’affaire des financements illégaux des élus fédéraux américains.

Au service des super riches

L’élection présidentielle nigériane de 2023 approche. Chagoury l’attend avec impatience. Selon nos sources, il joue la carte du candidat du parti au pouvoir : Bola Tinubu, gouverneur de Lagos de 1999 à 2003 à l’origine du lancement d’un vaste plan de transformation de la mégapole nigériane (et accusé d’être un ancien baron de la drogue). Bien que forcé de fuir le pays sous le régime Abacha, Tinubu est celui qui a rouvert les marchés de cette renaissance urbaine au groupe Chagoury en confiant notamment à sa filiale South Energyx le soin de mettre un terme à l’érosion menaçant le littoral de Lagos – un grand dessein qui débouchera sur le lancement du projet Eko Atlantic.

South Energyx a obtenu des autorités de Lagos une concession d’une durée de 78 ans pour développer, posséder et gérer le terrain, un large soutien juridique des administrations locale et fédérale en matière d’exonérations fiscales, et l’engagement du gouvernement de Lagos de n’exiger aucune taxe tant que la filiale du groupe Chagoury n’aura pas commencé à rentabiliser l’investissement de cette ville offshore « qui présage comment les super riches vont exploiter la crise du changement climatique pour accroître les inégalités et se protéger de ses impacts », selon Martin Lukacs du Guardian17.

Depuis la mort d’« Eli » Calil, en 2018 - une chute accidentelle dans les escaliers de sa propriété londonienne de Holland Park –, Gilbert Chagoury est devenu le dernier T-Rex des courtiers en pétrole nigérian. Il est à la tête d’une fortune estimée il y a dix ans à plus de 4 milliards de dollars. Un chiffre qui a de quoi faire briller les yeux d’Emmanuel Macron. Mais le président français, qui avait effectué en 2002 ses six mois de stage de l’ENA à l’ambassade de France d’Abuja, ignore-t-il peut-être ce proverbe local selon lequel « il faut une longue cuillère pour manger avec le diable ».

1Bruno Lesprit, « L’hommage vibrant de Damon Albarn au génie musical de l’Afrique », Le Monde, 8 octobre 2020.

2« Quand Gilbert Chagoury, conseiller favori des présidents nigérians, sponsorise le chanteur Damon Albarn », Africa Intelligence, 16 octobre 2020.

3Sylvain Besson, « Argent sale : Genève condamne un industriel nigérian à une peine exemplaire », Le Temps, 25 juillet 2000.

4Charles R. Babcock, Susan Schmidt, « Voters group donor got DNC perk », The Washington Post, 22 novembre 1997.

5Joseph Tanfani, « He was a billionaire who donated to the Clinton Foundation. Last year, he was denied entry into the U.S. », Los Angeles Times, 28 août 2016.

6Hervé Gattegno, « L’enquête sur les intermédiaires d’Elf au Nigeria dévoile une cascade de commissions occultes », Le Monde, 20 septembre 2002.

7Ken Silverstein, The Secret World of Oil, Verso, 2014 (non traduit).

8Rick Wayne, « My Clash with the Third Most Powerful Man in Saint Lucia ! », The St Lucia Star, 27 février 2016.

9Il fut Premier ministre de Sainte-Lucie de 1964 à 1979, puis de 1982 à 1996 et enfin de 2006 à sa mort, en 2007.

10« Clinton visit ignites controversy over costs », The St Lucia Star, 11 août 2018.

11Tim Cocks, Lagos : Supernatural City, Hurst Editions, 2022 (non traduit).

12Neil Munshi, William Clowes, « Mega-Consulate Ties U.S. to Convicted Billionaire in Nigeria », Bloomberg, 10 mai 2022.

13« Dîner avec Emmanuel Macron pour les mécènes d’Africa2020 », Africa Intelligence, 27 septembre 2021.

14Hailey Fuchs, Olivia Beavers, « Meet the donors at the heart of the latest indictment of a member of Congress », Politico, 22 octobre 2021.

15Anna Massoglia, « Foreign billionaire conspired to violate election law in straw donor scheme », Open Secrets, 1er avril 2021.

16Edidiong Ikpoto, « Legal tussle may threaten multibillion-dollar Eko Atlantic City project », Punch, 2 août 2022.

17Martin Lukacs, « New, privatized African city heralds climate apartheid », The Guardian, 21 janvier 2014.